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Libération

Frénétique et saint à la fois

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publié le 24 décembre 2011 à 0h00

Si les médecins et les gouvernants ne cessent d'inventer de nouvelles maladies, les artistes peuvent nous aider à les déconstruire. C'est le cas du film Shame de Steve McQueen, qui transforme l'addiction au sexe en un fascinant problème politique. Pour ce faire, le réalisateur a tourné un film si équivoque qu'il contient deux versions opposées de la même histoire, l'une officielle et l'autre secrète, comme s'il y avait deux Shame au lieu d'un. Le premier est la tragédie d'un sex addict aux prises avec ses impossibilités d'union et d'amour avec les autres. Le deuxième est la critique politique de cette nouvelle maladie attribuée à ceux qui ont un rapport frénétique et impersonnel au sexe.

Cet exploit d'avoir tourné deux Shame, le réalisateur le doit au lieu commun sur lequel il s'est appuyé pour raconter cette histoire. Selon celui-ci, la sexualité séparée de l'amour, de la tendresse, des engagements et des projets d'avenir serait une pulsion séparatrice et destructrice des liens sociaux. Elle serait diabolique par opposition à la puissance symbolique de l'amour. C'est sous cet angle que l'on peut interpréter le premier Shame. Brandon, le beau héros du film, n'est pas un homme mais l'incarnation de la sexualité diabolique. Toutes ses activités ne sont que des expressions de lui-même : acheter les services des prostituées, se masturber dans les toilettes, consommer de la pornographie, entretenir des relations sexuelles sans