Courir pour écrire, telle était la résolution. Alors, dès potron-minet, l’herbe encore toute blanchie de givre, j’étais sorti tel un taurillon piqué par un taon faire quatre tours du champ de maïs moissonné. Je déteste courir, cette activité n’a même pas l’avantage de vous permettre de réfléchir posément. En baskets déjà détrempées, je me les gelais grave et accélérais plus qu’il ne l’aurait fallu quand on n’a plus 20 ans.
Le regard au sol, l’herbe étant épaisse et glissante, j’eus besoin de quelques foulées pour réaliser que je venais de dépasser deux spectateurs emberlificotés par le froid, dont les yeux luisants m’observaient sur le bord du chemin. C’étaient deux gros bébés joufflus de la famille des castors, des ragondins, que l’on appelle aussi castor des marais et qui sont souvent confondus avec les rats musqués, de taille moindre et dont la queue est ovale. Ils étaient transis, tâchant de se réchauffer sous les rayons pâles du soleil levant. Trognons, la patte potelée en grande partie palmée et fort bien dotée en griffes, ils se pressaient le museau qu’ils possédaient joliment dessiné en un ourlet de poils tendres et nacrés comme s’ils l’avaient trempé dans du sucre glace.
Originaires d’Amérique du Sud, leurs ancêtres furent importés il y a plus d’un siècle pour exploiter leur fourrure qui était fort appréciée en pelleterie. Certains s’échappèrent et conquirent cette bonne vieille Europe. Grand végétarien, ce rongeur, qui peut atteindre les dix kilos, est aujourd’hui in