Samedi
Carnaval s’en est allé
Cinq jours de débandade totale. Maintenant s'est ouvert le carême. Carême c'est en principe : chaud, sec, bleu fixe, ciel métallique. Les alizés auraient dû s'en aller, mais il vente encore là ou je me suis réfugié pour écrire. Loin des nouvelles et loin du monde, au bas de la Montagne pelée, dans la froidure à 20 degrés. Il pleut aussi. Ce sont peut-être les derniers vents. Ils pulsent dans le bruissement des arbres, virevoltent dans des flottées de parfums. Parfois, une radio lointaine disperse quelques mots : Syrie, Sénégal, élections présidentielles, Réunion, DOM-TOM. Echapper à tout cela. Relire René Char. Que devient le monde quand on ne l'écoute pas ? Il continue dessous les fixes aberrations de ces voyous de la finance et du capitalisme. Des Martiniquais se disent «Domiens». Une autonégation. Notre dépendance est un système complexe. Nous y sommes actifs et passifs, créatures et créateurs, désirants et refusants. J'essaie d'affronter l'idée que tout ce que je suis, que je fais, que je dis, que j'écris, s'adapte en quelque part à l'un de ses rouages. Cela me donne un air hagard. Je veille à ne pas justifier mon refus. Je refuse. C'est comme être tout simplement vivant.
Dimanche
Fougue végétale
Certains matins semblent naître de la végétation même. Le ciel qui habite entre les feuilles. Le vent qui en sort. Ce pays est une fougue v