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Libération

L’arlequin des jardins

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publié le 17 mars 2012 à 0h00

Aux postes de nourrissage, il s’invite rarement. Mais si d’aventure il s’y montre, parmi les mésanges, sittelles torchepots, tarins des aulnes et autres serins, on ne voit plus que lui, ce bouvreuil pivoine, dodu et calme, avec son plastron écarlate. Un soleil matinal parmi les brisures glacées. Pourtant agile, il préfère rester au sol sous les boules de graisse et de grains appendus aux branches du merisier, ramassant sans empressement les déchets des autres volatiles.

En cette fraîche matinée, il paraît avec sa dulcinée, aussi ronde que lui, aussi belle, en pleine santé, mais dont la livrée ne comporte point ce coloris que nous les hommes associons à la passion. Son plumage est celui du deuil : noir et gris sur le dessus, mati d’un vaporeux reflet bleuté, ventre et corset tirant sur le beige incertain, soupçonneux. Quelques plumes blanches en ses ailes et son croupion, à peine, ne la font pas moins veuve d’apparence. Elle les porte comme des mouchoirs trempés de larmes et glissés dans la poche.

Elle partage avec son compagnon, non seulement le souci annuel de lui être fidèle, mais aussi cette calotte sombre qui, de son bec trapu, lui recouvre son œil rond qu’un poinçon d’argent illumine, et sa nuque, l’ensemble composant joli foulard, comme sorti du pinceau d’un calligraphe japonais.

L’époux, on ne peut le louper, c’est un feu, une torche, une grenade, parangon de la préférence accordée aux mâles dans le monde animal. Pourquoi donc le Créateur, à défaut de pouvoir nommer d’au