Menu
Libération

L’union nationale pour désintégrer la campagne

Article réservé aux abonnés
publié le 23 mars 2012 à 0h00

De la campagne présidentielle française de 2012, on retiendra donc que le lundi 19 mars, après un autre épisode de l'inqualifiable série de meurtres perpétrés successivement à Toulouse, à Montauban et, pour les plus terrifiants, à Toulouse encore, c'est la candidate du Front national qui donna le ton et, somme toute, dicta la loi en déclarant : «Aujourd'hui, il n'y a plus de politique, plus de campagne, plus de droite ni de gauche.» Le soir même, saoulé de pédopsychiatres appelés au chevet des enfants du collège martyr Ozar-Hatorah, de «criminologues» sur toutes les ondes et de «profileurs» sur tous les plateaux, le pays tétanisé découvrait que le candidat Sarkozy suspendait sa campagne. Illico, son adversaire Hollande lui emboîtait le pas…

Evidemment, la «suspension» d'une campagne électorale ne se décrète pas, fût-ce au prétexte d'un deuil qui n'a pas besoin d'être national pour bouleverser toute humanité, dont l'empathie avec les victimes constitue précisément l'universel marqueur. En l'occurrence, le propos traduisait une posture tactique où l'incantatoire «Pas de récupération» précédait le «devoir» d'union nationale, cet alibi de toutes les récupérations. En s'y drapant l'un et l'autre, le candidat sortant et son challenger socialiste le marquant à la culotte allaient occuper tout l'espace de la compétition, à l'instant même qu'ils prétendaient s'en mettre en retrait. Ainsi, avalisant l'ordre des sondeurs, s'adoubaient-ils l'un l'autre