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Libération

Une jalousie sans nom

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publié le 31 mars 2012 à 0h00

Notre société qui ne tolère presque rien de rugueux, qui est si prête à stigmatiser les moindres bizarreries dans les manières, dans le caractère ou les désirs, se montre étonnamment indulgente avec la jalousie amoureuse. En effet,hormis quelques situations extrêmes, on pense que ce sentiment de rivalité haineux est une expression légitime de l’amour. Plus encore, la jalousie semble la rançon d’un monde dans lequel les individus changent plusieurs fois de partenaires au cours de leur vie, tout en restant dans un cadre monogame. Dans un tel système, le jaloux exprimerait l’angoisse d’être remplacé par une autre personne, ou le désir contrarié de se substituer à elle.

C’est pourquoi, loin de mépriser les jaloux, on tient ceux qui ne le sont guère - lorsque la situation semble le justifier - comme des anormaux ou des pervers. Car le couple actuel ne pourrait pas survivre sans cette redoutable gardienne. Certes, on prend bien soin de distinguer ce sentiment si moderne de la protection de l’honneur sexuel qui est le propre des sociétés dans lesquelles les couples sont stables. Tandis que l’on disculpe les premiers sous prétexte d’amour, on accuse les seconds de se prendre pour des maîtres ou des propriétaires de leurs partenaires.

C'est peut-être cette indulgence, voire cette bienveillance à l'égard de la jalousie amoureuse qui explique le peu d'intérêt philosophique ou artistique qu'elle suscite. Et lorsqu'elle apparaît dans certaines œuvres, elle est traitée d'une manière banale