A l’instar de François Hollande, Rousseau n’aime pas les riches. Chez lui, cette conviction est philosophiquement articulée, ce qui permet de présumer qu’elle est sincère. Dans un siècle qui, comme le nôtre, sanctifiait l’argent et militait pour la démocratisation du luxe, Rousseau a pratiquement exclu les riches de l’humanité. Certains ont vu dans son œuvre, bien plus que dans celle de Marx, l’origine d’une haine moderne contre les bourgeois qui, en Europe, aurait disparu en même temps que le mur de Berlin.
Il est vrai que le philosophe n'y va pas par quatre chemins, comme dans ce passage où il évoque «une foule affamée, accablée de peine et de faim, dont le riche boit en paix le sang et les larmes». On aurait tort de voir dans cette phrase des métaphores : la métaphorisation des différences sociales suppose la séparation spatiale entre les classes. Dans nos villes européennes gentrifiées, on imagine la très grande pauvreté faute de la voir à chaque coin de rue. C'est justement l'inverse que Rousseau reproche aux riches de son temps : voir les misérables à tout instant, mais ne pas se donner la peine d'imaginer leur condition.
Pour comprendre la colère de Rousseau, il faut se rendre dans des villes où, comme dans le Paris du XVIIIe siècle, les classes moyennes ne jouent aucun rôle pacificateur entre les riches et les pauvres. C'est le cas dans les quartiers huppés de Rio où le visiteur perçoit d'abord l'absence de regard que les riches brésiliens portent s