105) Je ne suis pas amateur de foot. C’est comme la corrida, je n’y mets plus les pieds depuis vingt ans. Le foot m’ennuie. Mais ça ne me gêne pas tant que ça - enfin si, ça me gêne profondément, ça m’attriste.
106) J’ai dit que nous arriverions à l’été sur les genoux et je me suis trompé. Je n’avais pas pensé à la Coupe du monde. Je n’avais pas pensé à cette sympathique ferveur qui allait envahir l’espace et nous laisser souffler avec la putain d’horreur économique, les putains de guerres, la putain de jungle, etc. Et de fait, ça sourit jusqu’au fond des campagnes. Ça chante des hymnes. Ça hurle dans les rues.
107) Je m’interroge, bien sûr. Je me sens glisser vers cette frange infime de l’humanité que le foot laisse indifférente et je me demande s’il nous manque une case, si c’est une sorte d’infirmité.
108) A l'école, au moment de former les équipes, j'étais toujours le dernier choisi et je passais le match assis sur le banc de touche, à bâiller aux corneilles, à souffrir dans mes chaussures neuves à crampons. J'aurais préféré le tennis, au moins j'aurais pu ramasser les balles. En tout cas, ma mère se félicitait que je revienne aussi propre. Et quant à mon père, qui me considérait d'un œil torve lorsqu'il me surprenait avec un livre au milieu de la journée, rien ne lui plaisait davantage que mes bleus aux tibias - je diluais des encres de Chine que je m'appliquais au tampon puis séchais au buvard et il n'y voyait que du feu. Non qu'il fût un fervent adepte du ballon rond. Il