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Libération

Football : un plaisir sous tension

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publié le 20 juin 2014 à 18h26

Le Mondial de foot, qui bat actuellement son plein, a commencé par une petite bavure. Si le match d’ouverture a vu la victoire 3 à 1 des Brésiliens face aux Croates, c’est, en effet, grâce au soutien actif de l’arbitre qui a sifflé en faveur des premiers un penalty imaginaire et refusé aux seconds un but pourtant valable. Le chauvinisme des Brésiliens y a trouvé un motif de contentement. Pas l’éthique sportive.

Du moins ce petit moment d’injustice aura-t-il permis à plusieurs centaines de millions de téléspectateurs à travers le monde d’éprouver, avec une particulière acuité, la tension fondatrice de ce phénomène social qu’on dénomme «le sport». Une tension dont les sociologues Norbert Elias et Eric Dunning nous permettent de prendre l’exacte mesure (1). Ces auteurs ont insisté sur le fait que le sport est un phénomène typiquement moderne. A la différence des jeux et des affrontements rituels propres aux sociétés traditionnelles, il se caractérise par un calendrier distinct de celui des fêtes religieuses. En outre, il érige en principe la neutralisation des hiérarchies sociales et nationales entre compétiteurs, au profit de la seule égalité des chances. Enfin, il réclame de chaque compétiteur un très fort contrôle de la violence (c’est là, par exemple, toute la différence entre le pancrace de l’Antiquité, où pratiquement tous les coups sont permis, et la boxe moderne). Ce qui va de pair : il impose une éthique du fair-play qui subordonne la quête de la victoire au respect de