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Libération

Le chapeau cloche

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publié le 4 juillet 2014 à 18h06

Ce portrait photographique de l'historien de l'art Aby Warburg est presque trop beau pour être vrai. Ou, plus exactement, il est tellement vrai qu'il est beau. Car il semble comme la parfaite exécution d'une théorie de Warburg sur la mise en correspondance de fragments a priori étrangers, voire incompatibles, susceptibles cependant d'enfanter des perceptions transversales riches en connaissances. De fait, quel rapport entre ce monsieur un peu guindé dans son costume de la fin du XIXe siècle et l'étonnant bitos qui le coiffe ? Incroyable, se dit-on. Et même, premier pas d'une connaissance rapprochée, «incoyable» au sens où les muscadins de la Restauration l'entendaient. Certes en réaction politique (d'où l'élision des «r» par impossibilité de prononcer en entier le mot, à leurs yeux maudit, de «révolution») mais aussi comme un désordre propre à contrarier l'uniformité de la bourgeoisie déjà triomphante.

Pendant un voyage en Arizona, en 1896, voilà donc le jeune Allemand de Hambourg (30 ans au moment du cliché) qui se coiffe d'un masque rituel de danseurs Hopis (décrits par Lévi-Strauss in le Père Noël supplicié) qui incarnaient, pour les exorciser, des esprits malveillants. Mais aussi des esprits railleurs et blagueurs. Ce qui justifierait le bon sourire moustachu de Warburg en cet équipage, comme une prémonition d'Orson Welles, si jeune et déjà bouffi.

On note aussi que cette sorte de casque de horse-guard comme corrigé par les plumes d’autruche d’un costum