«Vieil homme, je ne te connais pas.» C'est par ces mots que, devenu roi, Henry V renie brutalement Falstaff, tonitruant compagnon de débauche de sa jeunesse. «Que les cheveux blancs siéent mal à un idiot de bouffon !»
Marine Le Pen rejoue-t-elle Shakespeare, en désavouant son père et le passé de son parti, comme pour préparer son couronnement ? Ou bien dira-t-on que ce théâtre ne doit pas faire illusion, puisque l'héritière s'est contentée de regretter une «faute politique», comme si les jeux de mots du vieillard sur la Shoah n'étaient qu'une maladresse exploitée par l'establishment ? C'est la question qui occupe les médias : s'agit-il d'une vraie rupture, conséquence d'une stratégie de «dédiabolisation» qui oppose deux générations, ou d'une mise en scène qui ne saurait faire oublier «l'ADN» d'un parti antisémite ? Renversons la perspective. Admettons un instant que le Front national renonce, réellement, à l'antisémitisme ; deviendrait-il pour autant fréquentable ? Effet premier de la controverse, tout se passe désormais comme s'il n'existait aucun autre tabou que celui-là. Le rejet de l'antisémitisme est, certes, une condition nécessaire de la légitimité républicaine ; mais ne devient-il pas également sa condition suffisante ?
Examinons l'actualité. Samedi 28 juin, cette tragédie œdipienne fait la une de Libération : «Le Pen, Pire & Fille». Or, dimanche 29 juin, Marine Le Pen ouvre un autre front. Elle profite des incidents après la qualifi