Parmi les plaisirs délicats qui, la belle saison revenue, attendent le touriste en goguette à Paris, comme le Francilien qui n’a pas les moyens de prendre de vacances, il faut compter celui de voyager dans le métro, par une température élevée, le nez coincé sous l’aisselle d’un passager peu scrupuleux en matière d’hygiène corporelle. L’expérience s’avère à nulle autre pareille. Dans la chaleur moite des corps compressés, parmi les chemisettes collantes et les visages dégoulinants de sueur, c’est un flot d’essences subtilement mêlées (sécrétion hormonale, chou aigre, transpiration…) qui déferle dans vos orifices nasaux et les submerge. La suffocation est garantie et les échappatoires, impossibles. Le piège olfactif s’est refermé, vous soumettant à son impitoyable épreuve, entre un haut-le-cœur impossible à réprimer et l’espoir fébrile que le supplice prendra fin au prochain arrêt en station.
Et si tout cela n'était que psychologique ? Si c'est dans votre tête, d'abord, que se logeait le problème ? Disons plutôt que tout cela est socio-historique. Légion sont les anthropologues et les historiens qui ont montré que le dégoût que peuvent nous inspirer l'odeur dégagée par certains de nos congénères, mais aussi la vue ou le toucher de leur corps, ou les bruits qu'ils émettent, varie d'une culture à l'autre et selon l'organisation des rapports sociaux. L'Allemand Georg Simmel fut, au début du XXe siècle, le précurseur de cette «sociologie des sens» attentive à la façon do