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Libération
TRIBUNE

Le mégot, tombeau de l’héroïsme

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publié le 25 juillet 2014 à 18h06

La lutte contre le tabagisme est devenue si consensuelle que l'idée que nos sociétés se font du bien s'y exprime sans détour. On se souvient que la disparition de Patrice Chéreau avait suscité d'une ministre zélée le têt suivant : «Mort de Patrice Chéreau d'un cancer du poumon. N'est-ce pas la cigarette qu'il faudrait vendre en pharmacie et enfermer dans le coffre à toxiques ?» La propagande hygiéniste ne s'embarrasse pas de fioritures. La mort y devient une preuve de l'irresponsabilité d'un individu auquel on offre, en guise d'hommage, une ultime leçon de morale.

Dans un autre registre, un fabricant américain de cigarettes vient d’être condamné à verser 23,6 milliards de dollars à la veuve d’un fumeur, une amende dont aucune industrie au monde ne pourrait se relever, surtout si on l’extrapole à l’ensemble des victimes présumées du plus grand des poisons contemporains. Ce que plus personne, même à gauche, n’ose dire sur l’avidité féroce des multinationales est reproché aux fabricants de tabac avec une véhémence que n’oseraient pas des anticapitalistes convaincus. Dans ce domaine, les Etats retrouvent, comme par enchantement, une prérogative qu’ils ont abandonnée partout ailleurs : celle d’imposer leur idée du bien contre la logique marchande. Entre la responsabilité du fumeur et celle des industriels, on voit que le discours sanitaire hésite. C’est pourquoi, il faut introduire un troisième terme capable de réconcilier ce couple infernal dans une même culpabilité. Ce