Sel, pétrole, fossiles, os, or, charbon. Dans la terre, tout est bon à prendre. Le dernier roman de Rick Bass, Toute la terre qui nous possède, qui paraît ces jours-ci chez Gallimard, rejoue la grande épopée de la conquête américaine, mais à la verticale, vers les profondeurs. Le héros, géologue comme l'auteur, est en charge des puits pétrolifères dans le Texas des années 60. Le récit de l'exploitation du pétrole est connu, il tient en quelques mots : sondes, forage, puits, pompage, intoxication des eaux, des sols, victimes nombreuses, négation de toute responsabilité par les responsables, reprise des forages un peu plus loin. Plus mystérieuse est cette pulsion : creuser, toujours creuser. C'est elle qui fait l'objet du livre.
Au fond, ce qui passionne le jeune géologue, ce sont les traces de vie, humaine et animale, enfouies dans la terre : chariots de la conquête de l’ouest retrouvés intacts, avec leur chargement entier, leurs conducteurs debout, crânes d’aventuriers d’un autre temps, ossements d’un troupeau emporté par un torrent, pétrifié par le sel, vestiges humains devenus sédiments. Voyage dans les profondeurs de la Terre et du temps, le récit se construit autour de quelques flash-back vertigineux : trente ans, puis 18 000 années plus tôt. Inscrivant des vies humaines à l’intérieur du temps géologique, Rick Bass réussit à penser ensemble deux échelles temporelles qu’on croyait incommensurables : celle de la vie humaine et celle de l’histoire de la planète.
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