Après des années à parler, à l’instar de Walter Benjamin, John Austin, Jacques Derrida et Judith Butler, de performativité du langage, je fais l’expérience de la «force performative» comme d’une flamme brûlante qui rencontre la peau.
Depuis ma dernière chronique sur la statistique des couples et de la rupture, ma vie est devenue effet performatif. Le jour où la chronique est publiée je ne suis pas capable d’ouvrir le journal. Je lis la une comme si elle s’adressait à nous deux : «Israël-Hamas. Peut-on juger la guerre ?» La trêve n’a pas tenu à Gaza. Les combats ont repris, les deux camps se rejettent les accusations de violation du droit international. Elle m’accuse d’exhibitionnisme, de vouloir étaler sur la place publique une crise de couple. Nos amis, les mêmes qui m’avaient dit qu’une lettre d’amour ferait revenir n’importe qui, m’écrivent pour me dire que cette fois-ci, peut-être, je suis allé trop loin. L’article, traduit en plusieurs langues par des internautes anonymes, voyage dans les terminaux cybernétiques à la vitesse de la 4G. Même si je suis Faceless, sur les réseaux sociaux, les commentaires se multiplient : «Il était temps», «bien fait pour leurs gueules».
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Je souffre du performatif. J’ai honte d’aimer. J’ai honte de ne pas y être arrivé. J’ai honte de mon écriture. Honte de l’accord entre