Comment, sachant qu'une route est sans issue, peut-on poursuivre à vive allure et se précipiter dans le mur ? Cette question, si fréquente sur les lèvres de nos contemporains ébaubis par la politique économique du gouvernement, c'est un historien chinois de 2393 qui la pose. Nous sommes au XXIVe siècle, après la période de la Pénombre et le Grand Effondrement, et nous lisons le bel essai de prospective des historiens des sciences Erik M. Conway et Naomi Oreskes, l'Effondrement de la civilisation occidentale (1).
En chercheur scrupuleux, leur historien du futur part d'une problématique précise et se concentre sur une période donnée, la nôtre : «Au moment même où l'urgente nécessité d'une transition énergétique est devenue palpable, la production mondiale de gaz à effet de serre a augmenté. Ce phénomène est si difficile à comprendre qu'il invite à examiner de plus près ce que nous savons de ce tournant crucial.» Sous la plume de cet historien fictif, nous sommes ces humains «qui savaient ce qui se passait et pourquoi», et qui, pourtant, n'ont rien entrepris, vivant une époque troublée, tragique, paradoxale, intéressante à étudier pour cette raison même. Etrange sensation que de lire l'histoire de notre présent évaluée et analysée, par la seule pirouette narrative de cet historien fictif : ce que vous lisez est une fiction qui n'en est pas une.
Le livre intrigue, dérange, amuse. Après plusieurs ouvrages