Un moment important du dernier film de Woody Allen, Blue Jasmine (2013), et qui contribue à sa réussite mais aussi à sa noirceur extrême, est la révélation qui nous est offerte en fin de parcours, au dernier flash-back : on comprend que Jasmine (Cate Blanchett), dont on suit avec amusement, agacement et une vague pitié, l'itinéraire de bourge déclassée, aussi bien habillée qu'horripilante, a, en fait, livré son escroc de mari Hal (Alec Baldwin) au FBI, causant sa ruine (et sa propre déchéance). Après des années d'humiliation et de tromperie, que Jasmine a préféré ignorer - tout comme les malversations financières auxquelles elle devait sa vie de luxe -, Hal décide ouvertement de la larguer pour une jeune. Jasmine, enragée, prend son téléphone et le dénonce aux autorités financières, précipitant son arrestation, puis son suicide en prison. La vengeance de la femme amoureuse et éconduite est un grand thème cinématographique, qui, comme les événements de la politique, peut connaître différentes versions, de la grande tragédie au comique. Dans Senso (Visconti, 1954), c'est la comtesse révolutionnaire Livia Serpieri (Alida Valli) qui découvre son amant, le lieutenant Mahler (Farley Granger), en compagnie d'une prostituée, situation humiliante qu'il aggrave de moqueries sadiques à son égard - et le dénonce illico aux autorités militaires comme déserteur : le film se clôt sur son exécution, et sur Livia hurlant son nom dans les rues de Vérone. Car si la-vengeance-
Normal, trop normal
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par Sandra Laugier
publié le 12 septembre 2014 à 18h36
(mis à jour le 13 septembre 2014 à 12h09)
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