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Libération
ECRITURES

Le chauffeur de taxi est partout

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publié le 19 septembre 2014 à 17h06
(mis à jour le 20 septembre 2014 à 16h08)

Bien que je ne sois pas montée dans un taxi depuis des semaines, j’ai l’impression de vivre dans un taxi permanent. Les cinémas permanents diffusaient les mêmes images toute la journée, on pouvait entrer au milieu du film, le voir et le revoir tout l’après-midi, la même bande-son dans les oreilles. Les propos du chauffeur ne me bercent pas dans ce taxi permanent, mais je n’arrive pas non plus à me réveiller.

Les chauffeurs se succèdent, ils sont tous différents, et c'est tous le même. Ils disent tous la même chose, François Hollande doit ou va partir, nul, gros, indécis, fuyant, ils n'ont jamais vu un tel nullard, les Français dans la rue, dissolution, etc. Toute la journée j'ai l'impression d'entendre ça, de ne pas pouvoir sortir de cette voiture, je n'arrive pas à fermer la porte, à la claquer, à cesser d'entendre, même la nuit j'y pense, les propos de la télé, du journal, et de l'ambiance générale sont partout. Avant, parfois, je montais dans un taxi, le chauffeur me disait «vous avez vu la une du Point ? Pépère est-il à la hauteur ?» et je ne répondais pas, je disais «oui oui». Pendant un quart d'heure, je faisais comme je pouvais pour supporter ses propos, «la France a besoin de poigne, pas de ce mou, vous avez vu la gueule qu'il a…», etc. Au bout d'un quart d'heure je descendais, et il m'arrivait de tomber sur des taxis plus calmes.

Aujourd’hui, ce chauffeur est partout, il est entré chez moi, il est en moi, il tient les médias, l’édition, la nuit je l’entends,