Menu
Libération
Chronique «Philosophiques»

Le féminisme n’est pas un humanisme

Article réservé aux abonnés
Le féminisme est un animalisme. Autrement dit, l’animalisme est un féminisme dilaté et non anthropocentrique.
publié le 26 septembre 2014 à 18h46

Au cours d'un de ses «entretiens infinis», Hans-Ulrich Obrist me demande de poser une question urgente à laquelle il faudrait qu'artistes et mouvements politiques répondent ensemble. Je dis : «Comment vivre avec les animaux ? Comment vivre avec les morts ?» Quelqu'un d'autre demande : «Et l'humanisme ? Et le féminisme ?» Mesdames, messieurs et autres : une fois pour toutes, le féminisme n'est pas un humanisme. Le féminisme est un animalisme. Autrement dit, l'animalisme est un féminisme dilaté et non anthropocentrique.

Les premières machines de la révolution industrielle ne furent pas la machine à vapeur, l'imprimerie ou la guillotine… mais le travailleur esclave de la plantation, la travailleuse sexuelle et reproductrice, et l'animal. Les premières machines de la révolution industrielle furent des machines vivantes. Alors, l'humanisme inventa un autre corps qu'il appela humain : un corps souverain, blanc, hétérosexuel, sain, séminal. Un corps stratifié et plein d'organes, plein de capital, dont les gestes sont chronométrés et dont les désirs sont les effets d'une technologie nécropolitique du plaisir. Liberté, égalité, fraternité. L'animalisme dévoile les racines coloniales et patriarcales des principes universels de l'humanisme européen. Le régime de l'esclavage, puis du salariat, apparaît comme fondement de la liberté des «hommes» modernes ; l'expropriation et la segmentation de la vie et de la connaissance comme revers de l'égalité ; la guerre, l