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Libération
Chronique «Philosophiques»

Souveraineté «snuff»

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publié le 24 octobre 2014 à 17h26

Face aux dernières décapitations commises par Daesh, nous avons surtout entendu des accusations de «barbarie». Dans la langue de l'Empire romain, le mot «barbare» servait à décrire les étrangers qui ne parlaient pas le latin. En invoquant la barbarie, la dimension «primitive» et anachronique du crime est soulignée. «Barbarie» est un opérateur d'altérité. Ce n'est pas nous. Mais ces décapitations ne sont pas barbares. Elles nous parlent. Elles sont codifiées dans notre langue, ont été organisées pour être vues par nous. Leurs techniques de représentation ne sont pas archaïques mais plutôt high-tech. Ce sont les enfants de Wes Craven, John Carpenter et James Wan qui font du sampling avec le Coran.

Mon objectif n'est pas de faire une iconographie critique du jihadisme, mais plutôt de comprendre comment et pourquoi nous sommes en train de resituer la théâtralisation de la mort au centre d'un nouveau régime scopique pharmacopornographique. Le temps où les techniques de gouvernement occultaient le châtiment et la mort est révolu. Une nouvelle gestion de la subjectivité politique demande la production des affects de terreur et de panique à travers des techniques audiovisuelles et biochimiques. La retransmission en direct de la destruction des Twin Towers nous fit entrer dans l'ère du snuff télévisuel. Dans cette nouvelle guerre, la diffusion audiovisuelle par les moyens de communication de masse est aussi importante que la mort de l'ennemi. Si la souveraineté tradi