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Libération

La preuve par la mort

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par Michaël Fœssel, professeur de philosophie à l’école Polytechnique.
publié le 14 novembre 2014 à 17h06

Le numéro 2 du Medef a lancé, récemment, une campagne de sensibilisation à la souffrance patronale. Arguant du fait qu'«un patron de PME se suicide tous les deux jours», il a mis en accusation les lourdeurs administratives. Le chiffre semble très approximatif (1), mais l'essentiel tient dans la forme de l'argument. Cette intrusion de la mort dans le discours patronal a de quoi surprendre. Certes, il existe, traditionnellement, une complainte néolibérale à l'encontre d'une administration tatillonne et sadique. A la suite de charges de Friedrich A. Hayek et de Milton Friedman contre l'Etat, il se trouve toujours des gens pour voir dans l'obligation de remplir une feuille de sécurité sociale les prémisses du goulag. Mais, d'habitude, le Medef tient le poste avancé de la mondialisation heureuse : au milieu de la crise, il plaide pour la joie d'entreprendre et le plaisir d'investir.

Tout occupé à exploiter les puissances de la vie, le capitalisme est étranger au tragique. La mort est le non-dit du système. Que ses promoteurs les plus optimistes mettent aujourd’hui en avant le nombre de suicides chez les patrons en dit long sur l’ambiance déprimée du moment. Cela constitue d’abord un hommage à l’adversaire de gauche : elles existent, finalement, ces «causes sociales» qui expliquent les comportements individuels. Les suicides professionnels étaient j