Menu
Libération

Saint-Denis, cas d’école

Article réservé aux abonnés
par Julie Pagis, chercheure en sociologie politique au CNRS.
publié le 21 novembre 2014 à 17h06

Deux septembre 2014, rentrée des classes à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis) : 18 classes n'ont pas d'enseignant affecté et deux écoles sont sans direction. Face à l'absence de remplaçants (déjà tous en poste), le rectorat fait appel à Pôle Emploi et de nombreuses personnes sans formation ni expérience d'enseignement se retrouvent parachutées dans les classes. Quand des parents font le siège de l'inspection académique, quelques semaines plus tard, et qu'ils sont finalement reçus par l'inspectrice, ils s'entendent répondre à leurs témoignages de discrimination territoriale : «Je peux vous le dire puisque j'en viens de Paris : Saint-Denis, c'est incomparable [à Paris]»… Comparer ? quelle idée. Pourtant, l'Etat dépense 47% de plus pour un élève parisien que pour un de ses camarades de l'académie de Créteil.

2 novembre : exaspérés par le manque de moyens, d'enseignants, de locaux (plusieurs écoles n'ont plus de centres de loisirs, les bibliothèques sont peu à peu transformées en classe) et partageant le sentiment d'être considérés comme des citoyens de seconde zone par le ministère de l'Education nationale, des parents d'élèves occupent un terrain en friche au cœur de Saint-Denis : ils y construisent le «ministère des bonnets d'âne». Coiffés de ces bonnets d'antan, «de ceux que l'on reléguait dans le coin de la classe, ainsi privés de l'enseignement dispensé aux autres», lit-on dans leur communiqué de presse (1)