Il se passe parfois des choses étonnantes. Ainsi, c'est en juillet que, grâce au talent du programmateur du cinéma local, on a pu voir au Chambon-sur-Lignon (3000 habitants), cinq mois avant sa sortie nationale en décembre, un film sélectionné à Cannes : Timbuktu, du Mauritanien Abderrahmane Sissako, raconte la prise d'un village africain par les milices jihadistes, qui terrorisent, confisquent, volent, violent. La révolte et la compassion du cinéaste y égalent en intensité la grâce de la narration, la beauté des images. Mais c'est surtout le courage du lanceur d'alerte qu'on aurait aimé voir récompensé, et l'intelligence de son message, qui nous rappelle que la terreur islamiste, c'est d'abord contre les musulmans qu'elle s'exerce. La terreur court toujours, même si, dans notre mémoire toute fraîche des terreurs de naguère, nous préférons la croire révolue.
Magie de la fiction, qui nous fait comprendre, en le ressentant, ce que nous savions sans en avoir vraiment pris la mesure… Magie aussi du travail de mémoire, telle qu'une simple plaque de rue : par exemple au n°35 de la rue de Picpus (ce même quartier où divagua Dora Bruder), siège du cimetière : «Ici, dans deux fosses communes, ont été inhumés les corps de plus de 1 300 prisonniers guillotinés sur la place du Trône du 13 juin au 28 juillet 1794». Voilà : en quarante jours (le dimanche devait quand même être férié), à raison d'une dizaine d'heures par jour (les bourreaux n'étaient pas encore aux trente-