Cette image, publiée mercredi dans Libération, est d'une puissance inouïe. Elle s'imprimait sur les pages consacrées aux émeutes qui secouent les Etats-Unis après la décision d'un jury populaire de relaxer le policier qui avait abattu un Noir de 18 ans, Michael Brown, en août à Ferguson (Missouri). L'homme de loi est blanc, a 26 ans et s'appelle Darren Wilson. C'est son visage qui occupe tout le champ de cette photographie, prise quelques instants après le drame.
Qu'est-ce qui fait la force de cette image ? Le fait que l'on n'y comprend pas grand-chose, qu'elle n'illustre pas l'affaire et que sa netteté clinique produit l'effet inverse de celui voulu : elle floute le dossier. Tenue par des mains invisibles, une équerre court sur le visage de Wilson. Trois cercles bizarres, une graduation (en pouces), quelques chiffres et deux mots («lightning powder», «poudre éclairante») brouillent la compréhension avec un charabia visuel proche de l'ésotérisme.
La question cruciale est de savoir si Michael Brown a attaqué Darren Wilson, permettant à ce dernier de plaider la légitime défense. Dans l'article, signé Lorraine Millot, on lit : «Son visage était alors rouge et gonflé. Les médecins [du Christian Hospital de Saint Louis, qui l'ont examiné peu après les faits] ont diagnostiqué une "contusion faciale", mais pas de fracture.» Cette photographie est donc une pièce à conviction, une trace médico-légale. Elle a d'ailleurs été fournie à l'agence Reuters