Ils sont colère, nos historiens ! Même l’exquis Jean-Noël Jeanneney, d’habitude si pacifique, trempe soudain sa plume de préfacier dans l’acide pour dénoncer l’hérétique. A sa suite, une pléiade d’esprits subtils - Azéma, Berstein, Julliard, Slama, Thibaud, Winock ou encore, venus de l’étranger, Steven Englund, Emilio Gentile ou Rainer Hudemann - se change en phalange vengeresse lancée sur l’ennemi ! Pourquoi cet ouvrage collectif plein d’intelligence et de fureur ?
L'unique objet de leur ressentiment s'appelle Zeev Sternhell, le plus français des historiens israéliens, juif polonais réchappé de la Shoah, établi en France puis en Israël, spécialiste de l'extrême droite hexagonale, militant infatigable de La paix maintenant, paladin d'une gauche des Lumières. Son crime ? Non seulement avoir défendu des thèses hétérodoxes sur les origines françaises du fascisme mais d'avoir ensuite dénoncé dans son autobiographie (1) la «coterie de Sciences-Po», un groupe d'historiens selon lui trop chauvins pour admettre que le fascisme puisse être tricolore, et trop carriéristes pour aller contre le sens du poil franchouillard. Excusez du peu… D'où leur sainte colère.
Les premiers livres de Sternhell furent largement salués pour leur nouveauté et leur érudition. Explorateur de la préhistoire du fascisme, Sternhell a montré que naît, dès avant la guerre de 14-18, avec Barrès, Sorel et quelques autres, une «droite révolutionnaire» réunissant nationalistes de droite et théoriciens d’extr