Longtemps, à Paris, certains membres de la classe moyenne intellectuelle ont eu les moyens de vivre dans les arrondissements centraux de la ville. Ceux qui ont hérité de leur logement ou qui ont accédé à la propriété en des temps favorables y demeurent encore. Quand leur cœur bat à gauche, c’est depuis ces quartiers favorisés qu’ils réfléchissent au sort des classes populaires. Depuis une quinzaine d’années, la situation a changé : chassés par la hausse des loyers et disposant d’un pouvoir d’achat en constante diminution, nombre de diplômés, d’enseignants-chercheurs et d’artistes entreprennent de s’installer dans les quartiers les plus populaires de la capitale et de sa banlieue. Cette migration a d’importantes conséquences politiques.
C’est ce dont témoigne à Saint-Denis, au nord de Paris, la création du «Ministère des bonnets d’âne» (MBA). Sous cet intitulé, depuis près de deux mois, une trentaine de parents d’élèves sont en lutte pour protester contre la pénurie d’enseignants dans leur département. L’Etat, estiment-ils, punit leurs enfants (d’où les bonnets d’âne) au seul motif qu’ils habitent un territoire délaissé. Le jour de la rentrée, l’inspection d’académie n’avait-elle pas «oublié» de nommer dix-huit instituteurs dans la seule ville de Saint-Denis ? Situation rectifiée, depuis, par la mise en place dans les écoles concernées d’enseignants en bonne et due forme mais aussi, bien souvent, de jeunes gens recrutés à la hâte auprès de Pôle Emploi et, de ce fait, dépourvus