J’ai toujours voulu regarder le soleil en face. J’ai toujours tenu à défier l’ordre naturel des choses. J’ai toujours espéré affronter le Zeus des planètes comme Don Juan brave son commandeur, et sans que la fin de séquence soit du même venin.
Comme je n’ai nulle tendance au sacrifice et encore moins au martyre, comme je tiens à pouvoir détailler le physique des 70 non vierges que personne ne m’a jamais promises, j’escomptais bien en ressortir avec le cristallin limpide des visionnaires et l’œil frais du gardon.
Sauf que sur Paris, vendredi dernier, les nuages ont mis un frein à un duel que j’imaginais vainqueur, farci de la confiance carnassière de ceux qui veulent continuer à plier la planète à leurs désirs et à manger plus de 100 grammes de viande quotidiennement si ça leur chante.
Raté ! Hollande président avait déjà fait tomber sur nous toute la pluie du ciel. Voilà que maintenant, il voile de fiente de pigeon, couleur tourterelle, la seule éclipse prévue avant l’an 2081.
Pour une partie remise, cela fait peut-être un peu loin. J’ai beau croire à une éternité transhumaniste, j’ai beau faire confiance à la famille des fondateurs de Google pour réussir à me robotiser numériquement, mon enthousiasme technophile tient peut-être de l’irréalité augmentée.
J'ai toujours voulu attaquer le Soleil, comme un embastillé refuse l'arbitraire royal. Et tant pis pour La Rochefoucauld qui maximise ses renoncements en affirmant que «le Soleil, ni la mort ne se peuvent regarder fixement». Il convient de garder les yeux grands ouverts et de ne pas ciller sous les assauts répétés, sauf pour un clin d'œil de rusé goupil aux connivents de passage.
L’astre suprême s’imagine me causer bien des désastres. Il veut me rôtir en barbecue et submerger mes bords de mer après la fonte des icebergs virés glaçons. Qu’il se méfie ! Je suis certain que nous arriverons à retourner ses forces contre lui, aïkido et photovoltaïque aidant. Et cela sans s’agenouiller face contre terre pour pleurer dans le giron de notre sainte mère, cette bonne vieille Gaïa dont Salvador Dalí crottait la beauté avec jubilation en s’imaginant qu’il s’agissait de sa femme Gala.
J’ai beau être toujours autant Charlie, je suis aussi assez copain avec Prométhée et autres voleurs de feu qui ont appris à mettre des gants ignifugés pour ne pas se transformer en braseros. Et je suis content qu’Icare ait mis de la colle forte pour se scotcher les ailes à la place de cette cire d’abeille qui lui pétait la ruche quand il montait trop souvent au ciel. L’avion solaire du suisse Bertrand Piccard participe de cette bravade soft, de ce contre-pouvoir flottant comme l’attention du psychanalyste, qui finira par décarboner la planète sans qu’elle s’en rende compte et sans qu’il faille renoncer à la parcourir en tous sens.
Je veux regarder le Soleil en face et tant pis si ça me met le cœur à marée basse. Quand le coefficient frôle le 120, la mer part à vau-l’eau et l’archange du Mont-Saint-Michel a tout le temps de nettoyer les écuries de ses chevaux au galop. Alors je profite de ce répit dans la montée des eaux pour conquérir un territoire de la République dont les catastrophistes me disent que je le perdrai bientôt.
Si je postillonne contre l’homme-soleil, je cours encore après la femme-mer. C’est ainsi. Peut-être un jour, cela s’inversera-t-il. Mais à l’équinoxe, après avoir fait mes nuits, je chausse mes «méduses» et je remonte mes bas de pantalon, je ravaude mes havenots et je pars cueillir le «bouquet» du vainqueur.
Au bout de la laisse de basse mer, je découvre des choses cachées depuis la fondation du monde démocratique. Je ne sais pas trop si ce sont des fanstamagories qui me viennent après abus de substances interdites ou overdose d’air iodé, mais j’ai vu là-bas des gueules de raie qui avaient des allures de bon Français qui voulait mordre dans les fonds de ciré de tout ce qui ressemblait à des élites libérales aux compétences européennes.
J’ai aussi cru apercevoir des têtes de congre qui portaient burqas, que j’aurais bien harponnées au croc de boucher, avant que je m’aperçoive qu’elles étaient défendues mordicus par quelques matelots islamo-gauchistes qui en avaient fait les nouvelles figures de proue de l’avant-garde prolétarienne.
Il y avait aussi un duo gouvernemental sans marinière qui en voulait à ma zone de pêche. L’un m’engueulait, tel un goéland fronceur de sourcils et cabreur de menton. L’autre jouait les bons gros mollusques, genre ormeau à lunettes. J’ai pris à gauche, sachant qu’ils ne me suivraient pas de ce côté-là.
Attaqué par tant de visions mal lunées, je me suis assis sur le rocher de la petite sirène. J’ai regardé au loin, je n’ai rien vu et j’ai eu une pensée amicale pour Florence Arthaud. Avant de me remettre à ramasser des bigorneaux.