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Libération
Chronique

Booba au bite parade

publié le 24 avril 2015 à 17h46

Cette photographie de Booba vient de la maison de disques du rappeur qui a commandé à un certain Loic Ercolessi, artiste-illustrateur-photographe installé à Miami, un jeu d'images destinées aux journaux qui consacrent des articles à D.U.C., septième album du chanteur. Dont Libé, qui publiait lundi l'article «Booba, faim de reparties», signé Clément Bénech.

L’architecture, délabrée et taguée, éclairée par un coin de ciel bleu, semble nous indiquer que l’on est ici chez le rappeur, en Floride. Au premier plan, il «bouffe» l’image, nous invite à l’admirer. Le décor est décati et rose, sa veste est elle aussi rose, mais d’une teinte étincelante, métallisée, couverte de motifs python ou d’éclats bleutés. Ce vêtement, que l’on devine zippé, emballe le corps puissant du chanteur. Il est une armure souple à une masse musclée qui n’en a pas besoin. La manche est retroussée au coude, comme pour prouver la force du bras. Mais la peau, elle, est absente, camouflée sous l’encre d’un tatouage (des photos de Booba torse nu montrent que le torse entier en est couvert), ou ornée d’une montre et d’un bracelet clinquants. Le visage, on le voit à peine, caché par une casquette marquée «ÜKT», abréviation de «Ünkut», sa marque de prêt-à-porter. Booba est ici un personnage de commedia dell’arte, un pantin dont l’allure dessinée fabrique l’identité.

Dans l'article, on lit : «C'est à ses sujets qu'on reconnaît le duc [de Boulogne, son surnom, ndlr] : argent, filles, flingues.» Du fric, il y en a ici, par le biais des breloques. Mais les nanas et les flingues, où sont-ils ? Nulle part, cette image de Booba a quelque chose d'interchangeable. Ce pourrait être n'importe quel rappeur, de France, des Etats-Unis ou d'ailleurs. Mais c'est surtout sa virilité qui est amovible. Booba est un mec, d'accord. Mais de quel genre ? Cet homme fier comme Artaban pourrait être le mannequin d'une série de David LaChapelle dans laquelle les mauvais garçons sont sublimés, ou un escort-boy qui joue au gros dur pour émoustiller le/la client(e). Ou encore un homme qui fait le macho sur la jaquette d'un DVD porno gay du label Citébeur, promettant un délirant abattage sexuel. Il suffit juste de changer de légende pour modifier le sens de la virilité de cet homme. Et ce n'est pas sa main qui touche le paquet qui va y changer quelque chose : putes, acteurs X ou rappeurs mettent systématiquement en scène la bosse de leur pantalon, qu'ils grossissent comme un travesti gonfle ses faux seins.

Récemment, Booba a affirmé au Parisien qu'il n'était «pas Charlie», jugeant que certaines unes de l'hebdomadaire étaient de «l'insulte». Le dessinateur Luz (Charlie Hebdo) lui a répondu par un dessin, le présentant nu dans une salle de muscu, le sexe minuscule et le corps énorme marqué de «Je suis gonflette». Mercredi, sur Instagram, avec des hashtags comme «#libertédexprefion» ou «#moiaussijesaisdessiner», Booba a répondu à Luz. Il se croque lui-même, nu et musclé, avec le slogan «Je suis balaise». De son entrejambe, une bite énorme tombe sur le visage d'une personne allongée - homme ou femme, on ne sait pas, les bad boys aiment la confusion des genres et l'homoérotisme. Preuve que, dessinateurs satiriques ou rappeurs ultra-marketés, tout le monde aime gribouiller des zizis pour se moquer de son adversaire. Eh oui, la taille, ça compte.