Vous avez sous les yeux le 9e numéro de la nouvelle formule de Libération. Nous avons reçu beaucoup de remarques positives sur ce nouveau journal. Les seules remarques négatives concernent la typographie utilisée. «Illisible», «moche», «on comprend rien», etc. Quand on change la maquette d'un journal ou d'un site, il faut toujours s'attendre à des commentaires négatifs. Nous, lecteurs, avons souvent des réflexes conservateurs et n'aimons pas changer nos habitudes. Il est du rôle de ceux qui ont conçu cette formule d'écouter ces remarques, de rectifier et d'amender si besoin. Nous, journalistes, ne faisons pas notre métier sans nos lecteurs. Nous avons donc lu vos messages, entendu vos remarques totalement concentrées sur le sujet de notre police de caractères. Et depuis lundi 1er juin, nous faisons évoluer la maquette et la typographie pour les améliorer. Avant de vous dire comment, laissez-moi rembobiner…
La nouvelle formule de Libération n'est pas qu'un «lifting». Elle est le fruit d'une réflexion de plusieurs mois sur le rôle d'un journal papier au XXIe siècle, celui de Libération en particulier, et notre rapport quotidien avec vous. Nous ne pouvons pas concevoir le même journal en 2015 qu'en 1995. Le monde a changé, le journalisme a changé, nous avons changé, vous avez changé. Notamment parce qu'Internet est passé par là (et aussi un peu les chaînes d'info en continu), vous êtes plus exigeants, bien informés, parfois mieux que nous. C'est pour répondre à vos attentes et vos exigences que nous avons imaginé ce nouveau Libération. Ce nouveau journal papier, c'est d'abord un changement de fond, et aussi - c'est invisible pour vous - un changement total d'organisation.
Nous voulons, avec une même équipe, vous informer aussi bien sur le papier que sur le site web ou les mobiles et tablettes. Avec les mêmes exigences, quels que soient les supports : vous surprendre par des enquêtes fouillées et des reportages au long cours, ne pas laisser indifférent, nourrir le débat, décrypter notre monde en mouvement, imaginer de nouvelles formes de récits, s’engager plus… En attendant de le faire aussi sur le Web et nos applications mobiles - ce sont le vrai cœur de notre réflexion car la lecture de l’actualité se déplace du papier vers le mobile à une vitesse incroyable -, notre volonté est de créer chaque jour un quotidien papier le plus différent possible de celui de la veille, d’éviter le ronron. Il s’agit d’imaginer des écrins pour les articles, pour donner envie de lire des sujets que vous ne lirez pas ailleurs, de rompre la monotonie des pages et des contenus qui se ressemblent tous.
Pour cela, il faut que ces pages soient graphiquement percutantes et rythmées : à contenu exceptionnel, mise en scène exceptionnelle, avec une police qui a du caractère, une photo qui explose. Un peu de provocation aussi, je l'avoue. C'est pour cela que nous avons choisi cette typo créée pour l'occasion et directement inspirée du logo de Libération. Elle nous permet de faire beaucoup de choses, d'être chic et de pousser des cris. A croire que nous y sommes allés un peu forts parfois. Mais nous le savions, un peu. Quand on décide de casser les codes traditionnels, on ne peut pas le faire en laboratoire. Il faut se confronter à la réalité, ajuster les derniers réglages avec des «vrais» articles, dans les conditions du réel, écouter vos remarques. Essayer, innover, tenter des choses. Cette nouvelle police est capricieuse : nous devons la dompter. Avec votre vigilance, un peu de mise au point et de patience, nous y arriverons très vite.