Il ne faut pas compter sur les végétariens pour découper l’anatomie humaine selon les règles de l’art louchebem. La pauvre Zahia, qui se met nue pour la fatigante cause animale, retrouve ses appâts numérotés en abattis et éparpillés façon puzzle. La fesse rebondie que l’ex-call-girl aime tant cambrer en crinoline se voit rebaptisée «jarret». Pourquoi pas «jambonneau» tant qu’on y est ? La «poitrine» que la néocréatrice de mode pas très collet monté aime exhiber dans le gouffre de ses décolletés lui remonte sous l’omoplate.
Un peu oubliée, Zahia revient faire de la retape pour Peta. L’association aux campagnes provocatrices et sanguinolentes pense qu’une bête est un homme comme les autres et qu’une femme à poil peut éviter au bébé phoque de se faire dépouiller de sa fourrure. Voyons les morales que l’on peut tirer de cette fable très actuelle.
1) Zahia est une Bardot de circonstance. Le débat public français a des embardées parfois surréalistes. Il faut voir Zahia-la-douce, Zahia-la-tendre, Zahia-la-pure plaider la cause de l’innocent agneau qui vient de naître et qui aurait pu être elle, mais si mais si. En face, Yves-Marie Le Bourdonnec, boucher star, n’arrive pas à faire comprendre que les bêtes à cornes vont disparaître si on arrête le steak et le lait, tandis que les vertes prairies feront bientôt place à d’uniformes champs de soja. Tant pis pour la diversité des espèces… Il faut aussi entendre Aymeric Caron, téléjihadiste prêt à décapiter tout carnivore refusant d’aller se faire soigner chez les viandards anonymes, laisser penser que la ferme des Mille Vaches pourrait s’apparenter à un camp de concentration. En face, Stéphane Le Foll, ministre de l’Agriculture, peut bien tempêter dans le vide. Il aurait mieux fait d’appeler la Licra à la rescousse. La France 2015 est un curieux pays où la gauche Valls est prête à rejeter les migrants à la mer mais où l’intelligentsia verse des larmes de crocodile, quand le thon rouge est victime de surpêche. Au pays de Descartes, les robots prolifèrent et envoient le populo au chômage tandis que l’on élève les animaux machines au rang de vaches sacrées. Zahia, elle, a endossé la panoplie caritative d’une Bardot de circonstance, oubliant que BB avait la nudité jouisseuse et le militantisme habillé.
2) Zahia est la preuve que la prostitution mène à tout. Pas du tout héritière, la jeune femme de 23 ans n’est pas sortie du bois via le système méritocratique des télé-crochets ou le don de soi que réclame la télé-réalité. Elle a fait comme la Nana de Zola. Elle a monnayé ses charmes et s’est poudrée de la poussière de notoriété des étoiles qu’elle a côtoyées. Ce qui a fait le malheur médiatico-juridique (pléonasme) de Ribéry et de Benzema, coqs assez blousés par une mineure qui faisait plus que son âge. Zahia était alors très consentante et très preneuse de subsides. Ce qui est bien, c’est qu’elle ne se repente en rien de cette embardée précoce, comme peuvent le faire certaines gagneuses défroquées, reprises en main par les abolitionnistes. Zahia sait parfaitement ce qu’elle doit à la prostitution en termes d’ascension sociale. Jamais Lagerfeld, Gaultier, Pierre et Gilles et autres esclaves de la mode n’auraient flashé sur elle sans cette odeur de soufre, sans ces rumeurs de protecteur argenté lui garantissant un train de vie conséquent. Sa plastique que d’aucuns jugent fantastique, libre à eux, n’aurait jamais suffi à lui ouvrir tant de facilités. La France 2015 est un curieux pays qui s’amourache d’une courtisane reconvertie et qui va empêcher ses petites sœurs de suivre sa voie exagérée.
3) Zahia est une Femen qui prend des risques mesurés. Je fatigue un peu de cette façon qu’ont les militants de se mettre nus pour un oui, pour un non, pour une flash mob comme pour une campagne d’affichage. D’autant qu’il manque parfois aux metteurs en scène de tout ce show la perversité progressiste d’un Oliviero Toscani, le photographe de Benetton. Entendons-nous bien. Ce n’est pas parce que m’indiffère la chose animale que je voudrais rhabiller ces corps désarmés. C’est plutôt que je n’arrive pas à adhérer sans réserve à ce mode d’action. Il y a là un mélange de sollicitation du regard et de culpabilisation du voyeur qui m’irritent. Et je ne parle pas de ce besoin de se mettre en position de faiblesse structurelle. Les Femen pratiquent ainsi mais ont le courage de se cogner les ultras de la Manif pour tous et les bedeaux à biscotos des cathédrales et des mosquées. La France 2015 est un curieux pays où le dépoilage tient de l’arme de poing mais où, sur les plages, les femmes montrent de moins en moins leurs seins.