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Libération
Chronique «Politiques»

A droite, le quadrille des prétendants

Si les candidats affluent, la partie de la présidentielle sera féroce, et se disputera à quatre, entre Nicolas Sarkozy, Alain Juppé, François Fillon et Bruno Le Maire.
publié le 1er octobre 2015 à 17h16

L’élection présidentielle est désormais devenue un scrutin qui se joue en trois tours. La primaire, qui désigne le candidat du principal parti de l’opposition parlementaire, constitue en effet le premier tour de l’élection reine. Ce fut vrai en 2012, lorsque le Parti socialiste choisit ainsi François Hollande pour le représenter. Ce le sera l’an prochain, quand Les Républicains (LR) organiseront l’élection de la primaire d’où sortira son champion. Celui-ci fera figure de favori pour l’élection de 2017. Les électeurs de LR et sans doute de l’UDI comprendront vite que leur participation à la primaire de la droite déterminera largement le résultat du scrutin final. L’organisation de débats à la télévision, comme en 2012 pour les socialistes, facilitera la mobilisation et avantagera le vainqueur qui en sortira, avant même le scrutin officiel de 2017. Il est probable que cette fois-ci les débats entre prétendants à l’élection primaire se multiplieront à la radio et à la télévision, ce qui mettra longuement en scène le vainqueur de la pré-compétition au détriment des candidats des autres partis.

L’événement dominera la vie politique des quatorze prochains mois. Si l’on en juge par le meeting cocasse de Nogent-sur-Marne du dimanche 27 septembre, il éclipse déjà les élections régionales, toutes proches à LR. Il devait être question d’Ile-de-France mais on ne vit que la confrontation des présidentiables. Le vainqueur de la primaire de la droite parlementaire sera, de ce fait, solidement en selle avant que ne commence la campagne légale. Il aura même en somme une campagne d’avance.

Les candidats affluent. Chez certains (Christian Estrosi, Nadine Morano), il ne s’agit que d’une posture provisoire et artificielle. Chez d’autres, plus consistants et plus crédibles (Nathalie Kosciusko-Morizet, Xavier Bertrand, Hervé Mariton), c’est un investissement pour l’après-élection présidentielle. Affaire d’ambitions. Sans vouloir diminuer les mérites de ces trois derniers qui peuvent d’ailleurs, s’ils s’engagent véritablement, jouer un rôle significatif en renforts du second tour, la partie se disputera à quatre, entre Nicolas Sarkozy, Alain Juppé, François Fillon et Bruno Le Maire. A partir de maintenant, nous assisterons à un quadrille féroce, plus tournoi que carrousel.

On discerne déjà les stratégies et les chances de chacun. Nicolas Sarkozy, impérieux mais aussi méthodique, a, depuis son retour en politique (s’il n’en était jamais parti), investi l’appareil qu’il transforme quotidiennement en machine de guerre. Président de LR, il fait automatiquement figure de leader de l’opposition. Ancien président de la République, il impose à ses concurrents, comme ce dimanche 27 septembre à Nogent-sur-Marne, une primauté protocolaire qui lui garantit le dernier mot. Les militants l’adulent, les bourgeois le snobent, les électeurs de LR le privilégient, les centristes et les modérés le rejettent. Il a pour lui son charisme et sa machine, mais il divise et il irrite. Il parie sur la passion.

Alain Juppé, lui, parie sur la raison. Le maire de Bordeaux a toute l’expérience du monde - sur ce point, il est incomparable - une forte stature intellectuelle, la sympathie des centristes, des modérés, de la France provinciale de droite qui marrie convictions et retenue. Il prend son temps, avance à son pas, populaire, et réfléchit comme un Raymond Barre éligible. Il se méfie terriblement des méthodes de Nicolas Sarkozy, mais n’est pas de tempérament à se laisser faire.

François Fillon non plus. Le député de Paris a mal commencé mais il se reprend peu à peu. Il a pris du retard mais il joue son va-tout. Son programme est jusqu’ici le seul abouti, fort à droite mais avec des manières et de bon ton républicain. Il prêche la rupture avec une pugnacité nouvelle, toujours courtoise. Il ne peut cependant refaire son retard que si l’étoile d’Alain Juppé pâlit. En revanche, il présente Nicolas Sarkozy comme un contre-modèle. S’il était éliminé au premier tour, on le voit mal rejoindre celui-ci au second, car c’est un orgueilleux blessé.

Bruno Le Maire enfin, 46 ans seulement, joue évidemment à fond la carte du renouveau. Cultivé, travailleur, de plus en plus assuré, il constitue la seule surprise au sein du quadrille. Il est parfois original, toujours réfléchi mais n’a pas encore le poids des trois autres. S’il n’est pas qualifié, son attitude sera décisive pour le second tour. Quel que soit le vainqueur, il n’aura pas, pour l’instant en tout cas, à redouter une gauche en miettes, plombée par le chômage, cible de tous les mécontents qui sont toujours la majorité en France. Reste Marine Le Pen dont la démagogie porte et dont le nationalisme retentit de plus en plus fort.