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Libération
Chronique «Si j'ai bien compris»

Primaire : play it again, François ?

Le président normal ne trouverait-il pas normal de se conduire comme un candidat normal ?

Publié le 15/01/2016 à 18h11

Si j’ai bien compris, président, il y en a qui veulent encore du job. Pourtant, ça ne semble pas un travail reluisant : on est celui (on sera peut-être celle) qui est responsable du chômage, des attentats, du racisme, de l’antisémitisme et du vieillissement de la population. N’aurait-on pas plutôt besoin d’un bon bouc émissaire à l’ancienne ? Mais non, il y a des volontaires, on envisage même des primaires dans différents camps pour départager les candidats. C’est vrai qu’il n’y a pas trop de pression à relever le gant : le président en place ne peut pas arguer d’un parcours sans faute couronné de mille succès dans tous les domaines. De ce côté, il n’y a pas d’émulation. En outre, les sanctions contre le responsable qui échoue sont d’un laxisme merveilleux : le peuple n’est pas rancunier et tout ce que risque le président en place est de ne pas se faire réélire (ou de se faire réélire). C’est dommage que la démocratie, avec tous ses charmes, n’offre pas aussi un peu des avantages des dictatures, genre la purge qui débarrasse (même si les gentils se noient souvent avec l’eau du bain). Le paradoxe des primaires, c’est qu’avant de dévorer ses ennemis, il faut se faire les dents sur ses amis.

La bonne primaire, pour être vraiment efficace, devrait mixer Qui veut gagner des millions ? avec le Maillon faible. Qui veut gagner la présidence ? Il y aurait diverses épreuves et un candidat éliminé après chacune. C'est le principe des castings. La primaire, c'est un peu comme si on entrait dans le vestiaire, qu'on voyait les coulisses. On les attend, les prétendants, dans l'acte III, scène 3 de «la Guerre contre le chômage». Un numéro de jonglage sur l'écologie, de clown sur l'économie, d'acrobatie sur la Constitution, de prestidigitation sur la misère et de dompteurs sur la sécurité. Cette primaire à gauche pour choisir le chevalier blanc qui affrontera le dragon, on en a vraiment besoin parce qu'on ne peut pas dire que le champion apparaît déjà tout caparaçonné, la lance bien raide, avec l'évidence du super-héros. On n'entend pas encore les chœurs clamer «Le voilà, notre sauveur». Dans une situation anormale, y a-t-il la place pour un président normal ? Quelqu'un d'un peu hors du commun ne ferait-il pas mieux l'affaire ? Mais François Hollande peut arguer que la meilleure preuve que la primaire à gauche n'était pas une garantie, c'est qu'elle l'a porté, lui, à la présidence. Et rien ne l'empêche de flanquer dans la Constitution que pas de primaire pendant l'état d'urgence, ordre public oblige. Il aurait le soutien de Nicolas Sarkozy.

Le président est confronté aux douze travaux d’Hercule. Il a déjà échoué aux onze premiers. Le douzième, sa réélection, porte le suspense à son comble. Sera-t-il fanny ou, comme le boxeur maintes fois sauvé par le gong, retrouvera-t-il son punch victorieux à la dernière reprise ? Cette fois-ci, il faudra faire autre chose que des claquettes, «Moi, président ; moi, président.» Il sera difficile de s’adresser aux Français en disant «Ce n’est pas de ma faute.» S’il a bien compris, il ne sera pas réélu juste sur son bilan.