Si j’ai bien compris, la preuve que le gouvernement était à gauche, c’est que Christiane Taubira y siégeait, et la preuve qu’il est à droite, c’est qu’elle y était en compagnie d’Emmanuel Macron. Nouveau témoignage de l’art de la godille du Président. Si ce n’est que tout le monde s’est demandé pourquoi la garde des Sceaux restait au gouvernement tandis que la présence du ministre de l’Economie paraît plus en phase avec celle de Manuel Valls, Laurent Fabius, Jean-Yves Le Drian et Bernard Cazeneuve. Ce que Christiane Taubira et Emmanuel Macron ont en commun, c’est d’avoir (ou d’avoir eu), privilège rarement accordé, une popularité indépendante de leurs résultats. Leurs bilans ne semblent pas remis en cause puisque, en gros, il n’y en a guère. Bon, Christiane Taubira a bien fait le mariage pour tous mais c’était une promesse du Président qui, il est vrai, était prêt à ne pas la tenir (pourquoi, tout à coup, un de ses engagements serait-il devenu si ferme ?) et le moins qu’on puisse dire est qu’elle n’a pas cherché le consensus. Cet unanimisme n’est pas non plus l’ambition d’Emmanuel Macron mais, lui, c’est de l’adhésion de la gauche qu’il se passe le plus volontiers.
Ce qui unit le gouvernement entre soi et avec le Président, c’est la déchéance de popularité (dont seul Emmanuel Macron semble préservé, nouveau signe que l’opinion publique ne vire pas à gauche). Il y a un consensus, malheureusement fondé sur du concret, pour estimer que le pouvoir n’est pas encore parvenu à des résultats merveilleux sur quoi que ce soit. Cette courbe du consensus, elle aussi a l’air très difficile à inverser. Les seuls moments où François Hollande tire son épingle du jeu, c’est lorsque se produit une catastrophe, ce qui, d’une part, ne dépend pas de lui et, d’autre part, ne donne pas tellement envie de le voir perpétuellement au zénith. Elle est hors de prix, l’éphémère popularité du Président. Quant à Manuel Valls, il se fillonise. Il a désormais l’air d’un collaborateur trop fidèle. A l’image de Christiane Taubira, il semble que, dans ce gouvernement, tout le monde n’en pense pas moins, c’est-à-dire soutient la politique, solidarité oblige, en étant cependant convaincu que ce n’est pas la bonne. La garde des Sceaux a fini par lâcher. Certains regretteront qu’elle ait dû partir, pas qu’elle soit partie. Elle a su faire preuve envers les dérives de la politique gouvernementale d’une patience que les grandes consciences de gauche n’ont pas toujours. Avant de quitter le navire hollando-vallsien sur lequel elle se tenait cramponnée malgré la tempête, elle a manifestement pesé le contre. Nul ne pourra dire qu’elle a agi de manière irréfléchie, aveuglée par le moralisme à courte vue qu’il est parfois de bon ton de reprocher à la gauche.
Si j’ai bien compris, le gouvernement actuel, c’est comme le code du travail. Tout le monde constate ses dysfonctionnements, il est caduc, mais tant que le nouveau n’est pas arrivé, il faut bien faire avec. On va vous simplifier ça. Les socialistes pourraient faire leur devoir d’inventaire en direct. Il faudrait que le gouvernement demande un rapport sur ce qu’il devrait lui-même faire, ensuite il n’aurait plus qu’à s’y tenir. La manière la plus simple pour lui de regagner un peu de popularité, fût-elle rétrospective, et qu’il met d’ailleurs en œuvre avec une habileté inattaquable, c’est de faciliter l’arrivée de la droite en 2017. Là, si j’ai bien compris les ambitions des uns et des autres, il n’est pas entièrement exclu qu’on finisse par le regretter, le pouvoir d’aujourd’hui.