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Libération
Chronique «Si j'ai bien compris...»

Code du travail : tous réformables !

Fini la dolce vita, on ne peut plus vivre aux frais de la princesse. Car les carottes sont cuites.
publié le 26 février 2016 à 18h41

Si j’ai bien compris, la réforme du code du travail va en donner, du boulot. On doute que les malheureux dirigeants du PS parviennent, avec juste 35 heures de débats par semaine, à convaincre leurs éléphanteaux de voter dans ce qu’il faut bien appeler la droite ligne. Eux, ils ne vont pas chômer. Mais qui sait si les promoteurs de la loi ne seront pas parmi les premiers à goûter à la flexibilité ? Auront-ils tous le temps d’écrire leur livre avant de partir ? Le Premier ministre reste inflexible dans sa volonté de réformer le pays jusqu’à l’os. Bon, la flexisécurité chez les socialistes (et dans l’ensemble du personnel politique), on ne peut pas pousser de hauts cris contre - depuis le temps qu’on voit toujours les mêmes, un peu d’insécurité ne ferait pas de mal à nos élus. Quant aux chômeurs pour qui on va mitonner un code du travail sur mesure - c’est exactement de ça qu’il s’agit -, ça doit les réjouir de pouvoir maintenant être licenciés facilement (et non pas avec toutes ces complications, comme la dernière fois qu’ils ont été virés) : tout ça va faire plus de consommation, plus de confiance, plus de croissance.

A la fois, l’économie est une matière occulte. On ne sait jamais, ça peut marcher. (Mieux vaut se moquer des économistes et de ceux qui se moquent des économistes.) Puisqu’il n’y a pas de solution miracle, on ne peut pas reprocher au gouvernement d’épuiser toutes les mauvaises. Une réforme qui ne marche pas, c’est quand même une réforme, et pourquoi a été élu François Hollande, si ce n’est pour réformer ? Peut-être reste-t-il dans le sac du gouvernement quelques bons tours, par exemple la réforme du code de la consommation, avec consommation obligatoire. Les Français au bord du gouffre n’auront plus qu’à se goinfrer plus et plus partir en vacances (en France).

Plus il y a de chômeurs et plus il y a de travail. Car ce n'est pas le travail qui manque, c'est l'argent pour le payer. Sans travail, pas d'argent, mais sans argent, pas de travail. On critique l'inflation, or si, comme au Monopoly, le banquier décidait tout à coup de filer un billet de 50 000 à chaque joueur, ce serait plus facile de rester dans le jeu. La réforme du code du travail annonce-t-elle la nouvelle Caisse de communauté ? «Allez directement au chômage sans passer par la case départ.» On ne dira plus «je suis au chômage», on dira «je suis flexible». Bientôt, il va falloir inverser la courbe des flexibles. On sera en disponibilité : ça aura la couleur du chômage, le goût du chômage, mais ce ne sera pas du chômage. On sera payé à la pièce, le salariat est une idée du XIXe siècle. On imagine le directeur du personnel face à un ouvrier en salopette, les mains pleines de cambouis : «Voyons le côté positif. Vous avez bien un rêve, Lambert. Vous n'avez jamais voulu devenir chirurgien, avocat, ça ne vous tente pas, les langues orientales ? Avec les nouvelles dispositions sur la formation, j'aimerais être à votre place, tiens.» Si j'ai bien compris, le gouvernement nous prépare un avenir aux petits oignons.