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Libération

Pas de pitié pour les lycéens

Les attentats ont rendu la police plus proche. Elle y est cependant allée fort, côté renseignement humain, devant le lycée Henri-Bergson.

Publié le 01/04/2016 à 18h31

Si j'ai bien compris, il faut peser ses mots quand on parle de la police. Jusqu'au 7 janvier, il était de bon ton, dans certains milieux, de ne pas la ménager. Puis un de ses membres a été assassiné comme un dessinateur de Charlie et il n'y avait pas moins de raisons de le pleurer que les autres, on s'est rendu compte qu'on était dans la même galère et qu'on avait besoin d'elle. De même que, lorsqu'on se retrouve à devoir aller aux urgences, on réalise que tout ce qu'on raconte sur le service public et les sous-effectifs des fonctionnaires attente plus à notre bien-être qu'on en avait conscience, de même on peut se retrouver à avoir pour la police les yeux de Chimène et constater, quand on y met les pieds, que ses locaux donnent l'impression d'avoir été eux-mêmes dévalisés. On mobilise souvent la police pour rassurer la population et cette mobilisation parfois inquiète. Mais ça fait partie de sa fonction : une police qui n'inquiéterait personne serait inquiétante. Et des policiers ne doivent pas être trop rassurés d'être aux premières loges dans la lutte contre le terrorisme.

D’une façon générale, le tact est au cœur de nos relations avec la police. Il arrive qu’on estime qu’elle en manque alors que, de son côté, elle ne veut pas s’exposer au ridicule en prenant trop de gants avec les criminels. On lui reproche certaines bavures mais pourquoi ne lui accorderait-on pas ce qu’on tolère pour la justice, à savoir d’être humaine et donc d’avoir l’erreur bien ancrée dans son patrimoine génétique. Pourquoi dit-on «bavure» et pas «erreur policière» ?

En plus, on ne peut que se féliciter qu’elle ne soit pas infaillible comme le pape, on n’en mènerait pas large. C’est quand même parce qu’il y a des erreurs qu’on a un peu de mou. Tel est le bon coté de la bavure. Cependant, la différence avec la justice, c’est qu’on a parfois l’impression que la police commet des erreurs en pleine connaissance de cause, comme si elle se faisait justice elle-même. Après tout, pourquoi n’aurait-elle pas le droit d’être aveugle et de balancer son glaive dans la balance ? Toutefois, le lycéen tabassé par quatre malabars en uniforme de combat devant le lycée Henri-Bergson, à Paris, remet les pieds sur terre. Il ne semble pas s’agir ici d’une victoire sur le terrorisme. Les policiers sont de toute évidence armés pour affronter des hordes de collégiens, mais c’est plutôt son antonyme que le mot «courage» qui vient spontanément aux lèvres pour commenter cette action. C’est comme si se déchaîner sur un ennemi inoffensif donnait à la police un peu d’oxygène en plein état d’urgence. Qui reçoit un œuf tue un agneau. D’ailleurs, elle n’est pas fière de son image. A Noël, postiers, pompiers et éboueurs défilent pour leur calendrier, la police se tient à carreau, ce n’est pas de son ressort, et le 14 Juillet n’est pas synonyme de bal de la police.

On a tous l’image d’un policier idéal, notre policier à nous : il dirait bonjour quand on sort le matin, il aiderait les vieilles dames à porter leur sac, il ferait les gros yeux au petit qui travaille mal à l’école, il n’oublierait jamais de dire s’il vous plaît, on l’inviterait aux anniversaires et on lui dirait «Entrez, je vous en prie» avant une perquisition. Sûrement que les policiers ne demanderaient pas mieux que faire ça, s’ils n’avaient pas tous les méchants à s’occuper. Si j’ai bien compris, la méchanceté est contagieuse.