Si j’ai bien compris, alors qu’un scandale de corruption gigantesque touche tous les partis du pays, les parlementaires brésiliens sont en passe de destituer Dilma Rousseff, qui semble une des rares élues à ne pas avoir bu son pot-de-vin comme les autres.
On lui reproche diverses irrégularités qu’en effet elle aurait mieux fait de ne pas commettre - présenter les comptes publics sous un jour trop séduisant, toutefois, quel candidat sortant ne l’a pas fait ? -, mais surtout d’être incapable d’inverser certaines courbes et que ça aille mal au Brésil. A priori, ce n’est pas pour ça que les constitutionnalistes ont inventé l’impeachment. Un vent de panique doit souffler chez les présidents du monde entier. Encore que chacun n’a pas l’inconvénient de la démocratie pour lui mettre des bâtons dans les roues.
Vladimir Poutine, le président réélu à vie, n’a pas trop à s’en faire. La destitution de Bachar al-Assad paraît aussi problématique. Ça fait des années que tout le monde s’en occupe et ça n’est toujours pas sur les rails. Ah, ces pays où les élections ne sont jamais un obstacle, où on sait pratiquer la démocratie avec fermeté. Quand on pense que certains prétendent que le crime ne paie pas.
Si, au moins, on pouvait démocratiser l’impeachment, que son chef de service soit à sa merci, qu’on puisse destituer son partenaire amoureux sans s’épuiser dans des stratégies de combat quotidien, qu’on ait l’impeachment à l’école pour les professeurs dont tous les élèves sont d’accord qu’ils sont nuls et incapables d’inverser la courbe de la cancrologie. On pourrait aussi en finir ainsi avec les licenciements dans les entreprises. Il n’y aurait plus que des destitutions.
Mais peut-être que François Hollande a les chocottes à l’idée d’un destin si peu glorieux. Si on demandait dans les sondages qui est le politicien le plus honnête ou le plus proche de nous, sûrement qu’il obtiendrait de meilleurs résultats. Mais c’est un peu le problème. Le président normal apparaît tout à fait normal et il n’est pas anormal dans ces conditions qu’il soit submergé. Il est vraiment comme nous et nous non plus, si on était à la tête de la France avec des ennuis qui tombent de partout, il est vraisemblable qu’on n’obtiendrait pas des résultats mirifiques. L’expérience a montré qu’il ne suffit pas d’être un président anormal pour faire forcément mieux, mais on ne peut pas non plus reprocher à un capitaine de pédalo le sort du Titanic. Sans compter que les électeurs aussi sont responsables, c’est le double tranchant de la démocratie. Est-ce qu’on ne devrait pas destituer ces gens qui ont amené un pouvoir qu’ils jugent nécessaire de destituer ? Ça n’en finirait plus, on ne peut pas remplacer brusquement le corps électoral par un autre, c’est nous le corps électoral, d’autant que ça ne servirait à rien, les électeurs sont toujours les mêmes, ni responsables ni coupables, vierges à chaque élection.
En France (contrairement au Brésil, manifestement), on ne peut pas envoyer le président devant la Haute Cour de justice pour petites trahisons. Pour ça, si j'ai bien compris, il y a la basse cour de justice, le bashing perpétuel, la presse qui ricane, les électeurs qui s'énervent et les sondages qui grondent.