Si j’ai bien compris, le harcèlement est encore à l’honneur cette semaine. Le harcèlement sexuel, c’est un peu comme les opinions sur la politique d’Israël : d’une part, il faut faire très attention à ce qu’on dit et, d’autre part, ça ne finira donc jamais, ces histoires ? En tout cas, Denis Baupin se serait fait prendre la main dans le sac (quoique de toute façon il y ait prescription) et il y a urgence à donner quelques années supplémentaires aux victimes pour mieux évaluer leur préjudice et déterminer si le moment est venu d’invoquer la justice. Il faudrait, par un tour de passe-passe psychologique bienvenu, que la honte ressentie par les agressées le soit plutôt par les agresseurs. Et c’est vrai que, trop souvent, on s’attend à voir les auteurs présumés, face à l’énoncé des faits, répondre : «Dieu merci, c’est prescrit.» Malgré tout, ne faudrait-il pas prendre des pincettes avant d’offrir si généreusement des pouvoirs supplémentaires à la justice ? C’est comme s’il y avait un effet collatéral de l’état d’urgence, ce sont souvent les mêmes qui s’émeuvent quand on augmente les prérogatives de la police qui en réclament plus pour la justice. Or les deux institutions ne sont pas si opposées que leur intitulé pourrait le laisser entendre aux yeux des idéalistes. La récente affaire de l’homme (au patronyme maghrébin) tué dans le dos par un policier à qui des magistrats ont laissé le bénéfice de la légitime défense le rappelle on ne peut mieux.
Ils ne sont pas sexuels du tout mais ce sont aussi des harcèlements que Manuel Valls inflige aux frondeurs avec ses lois Macron puis El Khomri et que les frondeurs infligent à Manuel Valls en l’obligeant à user perpétuellement du 49.3 comme si c’était un 6,35 mm. Voilà qu’on se prend des lois comme des pruneaux, maintenant, c’est du brutal. Et il y a donc des hommes politiques qui semblent ne pas intégrer qu’on ne prend pas les femmes comme une ville ou un département, et en tout cas on ne passe pas au 49.3. Il y a manifestement un côté corps de garde dans la politique et c’est seulement quand ils parlent aux électeurs que les hommes s’expriment sur les femmes à fleurets mouchetés. En privé, ne serait-ce pas la loi de la jungle dans laquelle ils sont plongés tout au long de leur vie professionnelle ? Il faut peut-être se croire irrésistible pour faire de la politique, les électeurs résistent si souvent. N’est-ce pas aussi du harcèlement que, en général, au gouvernement, les femmes sont jeunes et belles et les hommes vieux et moches ? Et quelle pitié a-t-on pour François Hollande harcelé jour après jour par les sondages et les indices qui s’accumulent jusqu’à créer un faisceau de présomptions ? Et lui, il ne pourra pas prétendre à la prescription avant la prochaine campagne présidentielle (où tout lui sera permis). Quant aux électeurs, il leur arrive de se sentir harcelés à devoir voter toujours pour les mêmes têtes.
Si j’ai bien compris, il n’y a pas égalité de scandale devant le harcèlement : ceux qui sont harcelés par la faim, la misère ou la guerre suscitent un intérêt médiatique et populaire bien moindre - rien de graveleux à en tirer, si j’ai bien compris.