L
e Petit Journal suit Arnaud Montebourg au mont Beuvray. Chaque année, l'ex-ministre du Redressement productif gravit ce monticule bourguignon avec quelques parlementaires fidèles et une poignée de militants pique-niqueurs. Montebourg n'est plus rien, il n'a ni troupes ni argent, mais l'image singe l'ascension par Mitterrand de la roche de Solutré, Montebourg est réputé bon client, bref, c'est devenu un must du journalisme politique. Il faut voir la meute des photographes s'entre-écraser les pataugas sur le petit sentier. Que veut Montebourg ? Que pense Montebourg ? Que va faire Montebourg ? Même Canal +, qui a pourtant réduit drastiquement ses effectifs au Festival de Cannes, a dépêché (au moins) une équipe.
Attention, accrochez-vous, révélation de taille cette année : l'an dernier, Montebourg, agacé, demandait aux journalistes de dégager de son chemin ascensionnel du mont Beuvray. Cette année, virage total dans le sous-bois : il a même affrété un car pour conduire les journalistes sur place. Alors, l'envoyée spéciale de Yann Barthès, harponnant l'ex-ministre sur le chemin : «Dites, monsieur Montebourg, vous êtes drôlement plus sympa cette année avec les journalistes. N'est-ce pas un signe de quelque chose ? Vous ne seriez pas au bord de vous présenter en 2017, par hasard ?» Le nombre de Sherlock Holmes qu'on croise, en ce moment, dans les rubriques politiques, sur la piste des indices que sont supposés laisser les candidats potentiels. Sherlock a appris par une indiscrétion que Macron levait des fonds à Londres. Ah, ah ! il est fait aux pattes. C'est bien la preuve. Tweet de Sherlock-Inrocks : «Macron lève des fonds pour financer son mouvement… et sa candidature ?» Sherlock écoute Hollande sur Europe 1. Là, c'est l'extase. Son lapsus ! Vous avez entendu son lapsus ? «Si je ne suis pas… si la gauche n'est pas reconduite en 2017…» Il s'est trahi, le fourbe. Quant on pense à la solennité des déclarations de recandidature de Mitterrand, Chirac, ou Sarkozy ! Pourtant, il avait tout fait pour ne pas avouer, langue de bois et compagnie. C'était compter sans le lapsus. Et ses cadeaux ? Vous avez vu ses cadeaux aux étudiants, aux agriculteurs, au point d'indice des fonctionnaires ? Et sa promesse d'une loi contre les salaires indécents des grands patrons ? Suivez mon regard. Ne manquait que Valls. C'est vrai, pendant que Montebourg ascensionne, que Macron lève, que Hollande fait un lapsus, Valls ne pouvait rester inerte. Sherlock Barthès - encore lui - a suivi Valls en meeting à Evry. Premier indice : il compte parler à la jeunesse, c'est écrit sur le programme. Ah, ah ! la jeunesse ! suivez mon regard. Second indice : le public a été gravement filtré à l'entrée. Des militants Front de gauche, qui se sont pourtant inscrits dans les premiers, n'ont pas pu entrer. Cette fois, tu n'y coupes pas. C'est bien un signe. Et enfin, regardez comme les questions sont préparées, comme il est au courant à l'avance de tout ce qu'on va lui demander. L'envoyée spéciale du Petit Journal, fine mouche : «Ça ressemble à un début de campagne, monsieur le Premier ministre.»
Que guettent-ils ? Croient-ils vraiment qu’ils vont décrocher l’aveu suprême ? Sinon, quel est le but de cette enquête à ciel ouvert ? Pendant ce temps, ne leur parlez de rien d’autre. Ne leur parlez pas d’enquêter sur le fondement légal des sur-revenus des grands patrons (une disposition de la loi Macron). Ne leur demandez pas où le gouvernement va prendre l’argent des fameux cadeaux (pas la peine de chercher, ce sont les budgets de la recherche et de l’environnement qui vont trinquer). Ne leur parlez de rien, ils traquent les indices.
Encore six mois, au minimum. Six mois de devinettes et de cache-cache, six mois à confirmer que l’élection présidentielle, et tout ce qui la touche de près ou de loin, est le sujet unique de tous les journalistes politiques du pays. On ne sait qui est le plus ridicule, entre les pas-encore-candidats-pour-l’instant-je-travaille-pour-la-France, ou les journalistes qui traquent des indices de ce qui n’existe pas encore.
Chers Sherlock, écoutez bien le secret : oui, ils veulent tous se présenter à la présidentielle de 2017. Et chacun le sait, et ils savent que chacun le sait. On peut passer à autre chose ?