Quinze petits jours avant le grand jour, le D-Day, celui qui décidera de l’avenir du Royaume-Uni. Et, côté Brexit, les sourires s’élargissent. Certains clament même que le courant a tourné, irréversiblement, et que, déjà, l’île glisse vers d’autres horizons. Trois sondages ont suffi. Trois sondages réalisés en fin de semaine dernière, qui, tous, ont placé en tête le camp en faveur de la sortie de l’Union européenne lors du référendum du 23 juin. Si la moyenne des six derniers sondages place encore le camp du
remain
(«rester» dans l’UE) en tête à 51 %, l’écart s’est indéniablement resserré et les troupes en faveur du
in
ne cachent pas leur nervosité.
Un autre sondage, réalisé par YouGov, a encore accentué les sourires de Boris Johnson (l'ancien maire de Londres), Nigel Farage (le leader de Ukip, le parti europhobe) et Michael Gove (secrétaire d'Etat à la Justice, conservateur), les trois principaux leaders de cette campagne pour la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne, en montrant que les électeurs britanniques jugent la campagne du Brexit plus honnête (43 %) que celle du remain (42 %). Et ce, même si le bus de campagne du camp du Brexit affiche sur ses côtés un énorme «350 millions de livres [448 millions d'euros, ndlr] par semaine envoyés à l'UE», chiffre démenti par tous les experts.
En fait, une fois comptabilisés le «rabais» négocié à l’époque par Margaret Thatcher, la somme reversée au Trésor britannique par l’Union européenne et les contributions européennes au secteur privé britannique, la contribution britannique au budget européen s’élève à 161 millions de livres (207 millions d’euros) par semaine. Soit moins de la moitié que ce que clame le camp du Brexit.
Alors que la livre sterling plonge sur les marchés à chaque sondage plaçant le out («sortie» de l'UE) en tête, que toutes les institutions nationales et internationales (FMI, OCDE, Banque d'Angleterre), l'immense majorité des économistes et tous les syndicats britanniques continuent de répéter qu'économiquement une sortie de l'UE aurait de fâcheuses conséquences, les «Brexiters» ont décalé le débat vers l'immigration, avec pas mal de succès.
Appuyé par Nigel Farage, le conservateur Michael Gove n’a ainsi pas hésité à prévoir une adhésion imminente de la Turquie à l’Union européenne et, en conséquence, le risque réel de voir quelque 80 millions de Turcs tentés par une immigration massive vers les côtes anglaises.
Le fait que la Turquie soit candidate à l’entrée au sein de l’UE depuis 1963 et qu’elle ne réponde pour le moment qu’à 5 des 72 conditions imposées par l’UE, que le Royaume-Uni dispose de toute façon d’un veto sur l’adhésion et que l’accord sur les voyages sans visa ne s’appliquerait qu’à l’espace Schengen, dont ne fait pas partie le Royaume-Uni, ne sont que des détails pour les partisans du Brexit. Et pour une grosse majorité de la presse britannique, largement eurosceptique, et qui relaie avec bonheur ces approximations.