Si j’ai bien compris, le gouvernement ferait aussi bien de ne pas attaquer ses adversaires sur le front de l’impopularité, comme il fait avec les cheminots grévistes. Dans la sorte de ras-le-bol général qui s’exprime, le plus étonnant est qu’on ne se doutait pas que le bol pouvait être aussi grand et qu’il se remplirait quand même. Mais c’est toujours à ras, on a l’impression qu’il ne déborde jamais. On espère que le gouvernement n’a pas l’espoir qu’un mois de football guérira toutes les plaies et qu’il y aura un temps où le cerveau ne sera plus disponible pour la politique, ce serait dire l’estime dans laquelle est tenu le cerveau des électeurs. En ce qui concerne François Hollande, depuis 2012 qu’il fait la pluie et pas le beau temps, il a dû quitter son petit nuage et a montré son degré d’imperméabilité. Au demeurant, on peut penser que la popularité ne sera pas l’argument sur lequel se faire élire, en 2017. Parce que sinon, on ne voit personne. Marine Le Pen ? Le fait que sa popularité augmente quand on ne la voit pas et qu’elle ne parle pas n’est pas gage d’une popularité extrême.
Si j'ai bien compris, ceux qui attaquent Emmanuel Macron sur le fait qu'il n'est pas de gauche parce qu'il n'a pas sa carte du Parti socialiste feraient aussi bien de choisir un meilleur angle : le PS n'apparaît pas comme le fer de lance d'une gauche ambitieuse, ces temps-ci. Et puis qui demande à son banquier s'il est de droite ou de gauche (on a sans doute déjà sa petite idée) ? Mais chacun connaît la malédiction du premier de la classe qui n'arrive jamais à faire le grand chelem parce que lui manque toujours le prix de camaraderie, et Emmanuel Macron souffre certainement de ses compétences, message qui, à droite, devrait faire réfléchir le fameux «meilleur d'entre nous». Pour le coup, Emmanuel Macron n'a pas non plus l'air pressé de l'obtenir, le prix de camaraderie. Il a un côté torero, banderilles et piques plutôt que caresses et cul des vaches. Dans le sauvetage des finances de la France, il n'a pas encore fait des étincelles. A moins que ce soit justement là, dans ce monde obscur des finances, que «ça va mieux», sans que le pouvoir ait encore eu le temps de faire profiter chaque citoyen des dividendes.
Si j’ai bien compris, c’est toujours téméraire pour les usagers de s’attaquer même en rêve aux grévistes. Il y a un côté schizophrène, parce que chacun peut se retrouver en position de faire grève. Les usagers de la SNCF doivent être partagés entre l’enthousiasme que certains aient le pouvoir de bloquer tellement de monde d’un coup et la jalousie de ne pas l’avoir soi-même. Tellement de gens font grève dans l’indifférence générale, si bien qu’à la fin ils ne font même plus grève, tous ces pauvres gens qui n’arrivent à prendre personne en otage. La grève telle que la définit la droite, c’est le meilleur argument en faveur des preneurs d’otages. Tout le monde souhaiterait avoir cette capacité. Ne serait-ce que dès l’école, avec la grève des devoirs qui se révèle un droit tout à fait prescriptible et ne dérange personne que la famille (le manque de solidarité nationale oblige généralement à savoir terminer cette grève dans les meilleurs délais si on tient à ses fesses). La France a besoin d’un rêve : si j’ai bien compris, la réalité, elle en a fait son deuil, mais un rêve ou un Ticket-Restaurant, s’il vous plaît.