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Libération
Chronique «Si j'ai bien compris»

François et Emmanuel, le torchon brûle-t-il ?

Quand Hollande faisait la campagne de Macron, il comptait en tirer des bénéfices. Mais l’amour n’a jamais jamais connu de loi.
François Hollande et Emmanuel Macron lors de la cérémonie annuelle marquant l'abolition de l'esclavage, à Paris. (Photo Eric Feferberg. AFP)
publié le 27 octobre 2017 à 18h56

Si j’ai bien compris, François Hollande n’avait pas imaginé que ça se passerait comme ça avec Emmanuel Macron. Non pas tant la politique que leur relation personnelle. L’ancien président a tout fait, les derniers mois de son mandat, pour choisir ce successeur qui lui permettait d’envoyer, au moins un temps, dans les poubelles de l’histoire aussi bien Jean-Luc Mélenchon que Benoît Hamon. C’était son nouveau coup de maître : faire continuer son œuvre par son ancien ministre pendant qu’il se la coulerait douce. Cornaquer le petit, il ferait ça les doigts dans le nez et, ensuite, au lieu d’un nouveau quinquennat, ça pourrait en être deux où la politique hollandaise continuerait à diffuser sa pensée complexe à lui en son absence. Ce serait un tour de force, une version française du couple Vladimir Poutine-Dmitri Medvedev. «Manu, cette fois, c’est toi qui t’y colles.» Et si jamais Emmanuel Macron ne faisait pas l’affaire, il ne resterait qu’à attendre les clameurs du peuple exigeant le retour de François Hollande avec un nouveau lapin dans son chapeau.

Peut-être que cette situation a agacé Emmanuel Macron. On se souvient comme celui-ci à peine élu mais son prédécesseur encore en poste, François Hollande n’a pas cessé de harceler son ancien ministre en lui mettant les mains partout à chaque cérémonie, l’accueillant comme un fils spirituel, prodigue et obéissant, à deux doigts de lui ébouriffer les cheveux avec affection en plein 8 Mai, devant l’Arc de triomphe. Emmanuel Macron, qui ressentait les choses différemment, nuançant considérablement quoique encore poliment l’influence de son soi-disant Pygmalion, a dû en faire des cauchemars plus d’une fois. On l’imagine, se réveillant au milieu de la nuit à l’Elysée, en nage, pour raconter à Brigitte : «Je présidais le Conseil et je me suis rendu compte, aux regards de tous les ministres, que j’étais en fait assis sur les genoux de François qui commentait ce que je disais derrière mon dos en faisant des blagues. Une autre fois, j’entre dans la salle de bain, il y avait François sous la douche.» Ou : «Je suis à l’ONU, j’arrive derrière le pupitre pour mon grand discours, et on m’avertit que François vient de s’exprimer et que ce n’est plus le tour de la France. Un huissier m’apporte un sandwich un autre jour, et c’est François déguisé qui me fait un clin d’œil. C’est encore le chef qui vient m’annoncer que François erre dans les cuisines en se gavant et débouchant les meilleures bouteilles, est-ce que je ne pourrais pas lui faire comprendre habilement que tout le monde serait satisfait qu’il rende la clé. Mais le pire de tous ces cauchemars, c’est quand j’ai rêvé que François faisait les mêmes rêves, et que pour lui c’était délicieux.»

Il faut reconnaître que François Hollande ne l’a pas joué Lionel Jospin ou Nicolas Sarkozy, il n’a pas prétendu qu’il se retirait de la vie politique, et les affaires l’épargnent. L’ancien maire de Tulle est sorti immaculé du quinquennat, il n’y a que sur le plan politique qu’il s’y est fait du tort. Mais enfin, ces cinq ans lui ont permis de devenir expert - en quoi ? - et de pouvoir faire des conférences un peu partout, à l’égal de Tony Blair, Bill Clinton, Nicolas Sarkozy ou Barack Obama. Si j’ai bien compris, Emmanuel Macron ricane : «pas vraiment à l’égal», et dort maintenant sur ses deux oreilles.