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Libération

«Je suis un chat, un pur esthète»

publié le 9 novembre 2017 à 19h56

Du sang, des larmes, des abattoirs… Etalé de tous mes poils sur mon fauteuil, je feuillette le spécial animaux de Libé avec mon flegme habituel. «Ah bon ! Certains de mes congénères seraient maltraités… Mais que font les humains ?» Si certains s'élèvent, moi, je préfère me recoucher, m'affaler, me mettre en boule, me lécher les parties (ma souplesse permet des prouesses), me lustrer les flancs, me laisser flotter dans la tiédeur près du radiateur, m'abandonner à une voluptueuse mollesse, une flemme savante. Je suis le roi du plaisir et du bien vivre. Je suis un chat. Chat comme chatoyant. Ou chabadabada. Mon nom est Z. Pas comme Zorro. Non, comme Zlatan. Une blague miteuse de la famille de journalistes qui m'a adopté. M'en fous du foot. Je ne suis pas un chien qui court derrière la baballe-à-son-papa. Moi, je saute, je bondis, je m'élance, me retourne dans les airs, me réceptionne avec l'air faussement surpris d'un danseur étoile qui atterrit sans bruit. Je suis le roi des entrechats. Je suis un chat. Un pur esthète. Je ne me frotte qu'aux plus beaux objets, ne dors que dans du moelleux, n'urine que là où la propreté reluit, ne ronronne que quand les caresses et le bruit des croquettes dans mon bol sont un parfait karma. Je reprends ce Libé avec mon petit air de celui à qui on ne la fait pas. Je ne veux pas être empoisonné au mou qui tue, ni devenir une bête de cirque. Je veux rester un chat libre. Je suis un animal soixante-huitard, qui prône l'interdit d'interdire. Mais revoilà déjà l'heure de dormir. Jamais moins de quinze heures par jour durant lesquelles j'alterne rêves d'ortolans et de souris et réflexions. Nietzsche a-t-il eu raison d'écrire : «L'homme est une corde tendue entre l'animal et le Surhomme, une corde au-dessus d'un abîme» ?