Si j’ai bien compris, la situation politique est claire et en même temps confuse : c’est comme si personne ne s’était encore remis du coup de bambou démocratique consécutif aux élections du printemps dernier, comme s’il n’y avait en tout et pour tout qu’un navire amiral avec Emmanuel Macron attaché au mât dedans, entouré d’une flottille de pédalos sans capitaines. On dirait une armée de vaisseaux fantômes errant dans la brume et se faisant entendre à coups de sirènes avant de redisparaître, diaphanes si ce n’est transparents. De ce point de vue, ils sont tous ex-æquo, aujourd’hui, la droite, la gauche, le gouvernement, l’opposition, Edouard Philippe et Jean-Luc Mélenchon, Benoît Hamon et Laurent Wauquiez et tutti quanti, ne serait-ce que tous les ministres dont on n’a pas retenu le nom ou la fonction… Le bal des prétendants risque de mal finir pour eux, ils vont tous coiffer Sainte-Catherine. Au demeurant, tout le monde s’est un peu fait rouler, avec Emmanuel Macron. On nous promettait un slalom olympique, droite, gauche, droite, gauche, c’était la piste ouverte à toutes les portes, et en fait le parcours ne semble pas si diversifié.
Bon, Benoît Hamon, on veut bien que la route s’annonce escarpée pour lui. Mille idées ni initiatives n’ont pas encore manifesté son envergure hors du commun pour le propulser aux yeux de l’opinion au rang des sauveurs. Mais Laurent Wauquiez, qui a hérité des écuries d’Augias, tel que le parti Les Républicains peut apparaître aux yeux de malveillants. Malgré le gain de deux législatives partielles, certains doutent de l’habileté du positionnement de cette fée du logis qui serait aussi Monsieur Propre en remettant la droite à droite et Alain Juppé à sa place. Mais où pourrait-il aller ? Il doit penser que, question droite, Marine Le Pen est une adversaire moins redoutable qu’Emmanuel Macron et que la droite extrême a une moins bonne championne que la droite centriste. Le pauvre avait le cul pris entre deux droites, entre deux maux il a choisi le pire qui lui est apparu stratégiquement le moindre.
Et les hérauts de l’ancien monde ? On a François Hollande qui va sortir un livre pour nous expliquer que son quinquennat n’a pas été qu’une succession de catastrophes menant le Parti socialiste au présent qu’on lui connaît et à l’avenir qu’on lui redoute, mais aussi une leçon pour tous. D’ailleurs, En Marche, n’est-ce pas la confirmation de toutes ses intuitions et le triomphe de ces synthèses dont il est l’inventeur ? Il fallait juste oser. Ceci dit, il a raison de faire un livre parce qu’on n’a pas encore tout compris. Et s’il en vend 20 millions d’exemplaires en deux semaines, ce sera la preuve qu’on aura commis une grossière erreur en ne le réélisant pas (et surtout lui en ne se représentant pas alors que la voie royale l’attendait, il a préféré prendre un bon coup de recul). Il va lui falloir mettre le paquet sur les blagues. Et François Fillon qui en a été réduit à abandonner la politique, la politique l’ayant abandonné, pour dispenser de coûteux conseils, on savait qu’il était aussi généreux que rigoureux, à l’intérieur du cercle familial. Voici qu’il s’avère que ceux qui ne sont que de sa famille politique ont moins à se louer de sa générosité et de sa rigueur, sa campagne échappant au remboursement de huit millions d’euros pour cause d’incompétence. Si j’ai bien compris, ce n’est vraiment pas son truc, le remboursement.