Menu
Libération
Chronique «Ré/jouissances»

Meghan et son mariage arrangeant

Elucubrations sur l’union des contraires entre Harry et Meghan qui met au goût du jour une royauté anglaise banalisée et sentimentalisée.
publié le 7 mai 2018 à 17h56
(mis à jour le 7 mai 2018 à 17h56)

On ne va pas reprocher à la royale famille anglaise de se mettre à l’heure de l’exogamie en acceptant l’entrée en ses palais de Meghan Markle, métisse divorcée de 36 ans, Américaine au passé d’actrice de seconde zone, pas trop farouche mais pas porno girl pour autant. La perpétuation de l’espèce monarchique vaut bien une messe dite en l’honneur d’un apport génétique revigorant et d’un différentiel culturel émoustillant.

On va par contre s’interroger sur cet emballement pour les épousailles des Windsor qui semble saisir par les oreilles ces petits lapins bleu - blanc - rouge qui n’ont pourtant rien de perdreaux de l’année dans leur rapport avec leur République sortie de son terrier par les prestidigitateurs jacobins. Longtemps guillotineuse de queens et moqueuse de rites ringards, cette foule française est devenue très compréhensive depuis les évolutions d’une saga hyper-tradi en roucoulade tolérante à l’open mind très open space. S’y ajoute sans doute le fait qu’Elizabeth ait appris de ses erreurs qui l’avaient vue cracher sa bile sur la dépouille de Diana. A 92 ans, elle démontre qu’il n’est jamais trop tard pour bien faire et s’avère désormais capable d’adouber sans broncher les choix roturiers de celui de ses petits-fils qui ne sera jamais appelé à régner. Il faut encore prendre en compte la vague culpabilité parisienne d’avoir hébergé en ses palaces les liaisons de Diana avec un fils d’épicier de luxe et surtout d’avoir laissé les paparazzi sonner la diane jusque dans le tunnel de l’Alma, éblouissant à coup de flashs éborgneurs la mère de deux adolescents d’outre-Manche, réduits à suivre le cercueil d’une femme de 36 ans, récemment échappée à ses timidités.

Langueur politique. Au-delà de la ferveur nuptiale qui a toujours fait vibrer les populations midinettes à la saison des unions, la compréhension actuelle pour les amours princières tient également d'une certaine langueur politique. Depuis un bon moment, la royauté anglaise est très démocratique quand la monarchie républicaine française vient d'élire un roitelet mignonnet qui tient à mettre à flot ses rêves de grandeur anachronique. A mesure qu'a séché le sang du cou coupé et que l'on ne naît plus autocrate de père en fils, les symboles se sont mis à grenouiller dans le formol. Les querelles idéologiques autour du système le plus progressiste ne sont plus de saison depuis que les démocratures prouvent que l'incarnation autoritaire n'a besoin ni de sceptre ni de sceau. Jauni et fatigué, le républicanisme sépia ne peut plus grand-chose contre la dilution du pouvoir populaire dans le melting-pot libéral européen, comme dans l'économisme des riches à flat et exit taxes. Les bras de fer avec la perfide Albion ne sont plus de saison. Avec l'Anglais, la guerre devient datée. Ça fait cent ans, pas moins, que tout va bien. Trafalgar est mis au placard. Et ce d'autant plus depuis que le Brexit pourrait permettre à Paris d'attirer sièges sociaux et autres navires amiraux des bestiaux intercontinentaux.

Voilà pourquoi Harry est devenu un cousin taquin auquel on pardonne allégrement ses déguisements nazis d’étudiant gnangnan, comme on tresserait bien sa barbe fleurie au lieu de lui chercher les poux dans la tonsure qui viendra assez tôt, car c’est ainsi dans la famille de Di.

Promesse scénaristique. Il faut dire que pour les téléphages gavés de séries à réalité augmentée et dévoreurs de romances pimentées à l'eau de «rosse» que nous sommes devenus de part et d'autre du Channel, le couple Harry - Meghan est une mine d'or. La famille de la pièce rapportée devrait bientôt exiger un retour en avant-scène pour prix de son silence. Son demi-frère décrit la comédienne comme une «ambitieuse» aux dents qui rayent le parquet, une arnaqueuse «superficielle et vaniteuse» qui oublie ses proches quand elle escalade l'échelle sociale. Eclairagiste déchu de Hollywood, obligé d'externaliser sa débine au Mexique, le père énamouré de sa petite dernière, qu'il conduira à l'autel, aurait été laissé dans la dèche par sa progéniture tôt émancipée et âpre au gain. Côté maternel, on est prof de yoga mais aussi mamma qui pourrait faire valoir que sa «Black Live» ne compte pas pour rien, et que l'Angleterre a participé au commerce triangulaire et a fourni son lot d'esclaves. Il est également prévisible que Harry, pilote d'hélico qui fit campagne en Afghanistan, retrouve les terrains d'opération avec les développements militaro-scénaristiques qui en découlent : raid sanglant, otage rançonné, idylle avec une Mata Hari en burqa et autres joyeusetés. Et ne jamais oublier un possible quadrille avec le couple du frérot. Fatiguée du caritatif à la Diana, Meghan abandonnerait le rouquin pour choper le blondin et le pouvoir ultime. Et Harry deviendrait le précepteur noceur de la triplette des héritiers de William, tous quatre le devançant dans l'ordre de préséance.