Dire que Michaël Guigou est né sur un terrain de handball ne serait qu'une légère exagération. En 1984, lorsqu'il a 2 ans, ses parents fondent le club d'Apt, dans le Vaucluse. Trois ans plus tard, ils recrutent celui qui deviendra le licencié le plus célèbre de l'histoire du club. Dès les catégories jeunes, le talent du gamin ne fait pas de doute. Il arrive à se distinguer au milieu de joueurs ayant deux à trois ans de plus que lui. Mais ce n'est pas ce que le Montpelliérain retient. «Je me rappelle surtout des premières grosses confrontations, contre Carpentras à l'époque. Je n'avais que 10-12 ans mais il y avait de la pression. De très bons souvenirs !» Et de la pression, il y en aura samedi après-midi sur le parquet de l'Arena de Cologne, quand les Héraultais rencontreront les Macédoniens du Vardar Skopje en demi-finale de la Ligue des champions dans un Final Four très bleu-blanc-rouge puisque l'autre demie opposera le PSG à Nantes.
Amateur de matchs à enjeu dès le plus jeune âge, on peut dire que le joueur du Montpellier Handball (MHB) a été servi au cours de sa carrière professionnelle. Celle-ci débute en 2001 avec la signature de son premier contrat pro à Montpellier après un passage de deux ans au centre de formation. Depuis, celui qui se destinait à être paysagiste n'a jamais voulu quitter le club. Cette fidélité, «Mika» l'explique très simplement : «Ici, j'arrive à avoir des objectifs intéressants sur le terrain tout en profitant de ma famille et de mes amis. C'est un équilibre qui me convient parfaitement.» Ses racines sont à Montpellier, pas question de les déterrer, surtout depuis la naissance de sa fille Nina il y a cinq ans.
«Se faire sa place dans l’adversité»
Cet amour inconditionnel lui a valu son lot d'émotions et de titres. De 2002 à 2012, il remporte notamment 10 titres de champion de France avec le club héraultais. En 2003, il s'impose avec Montpellier face au Pampelune de Jackson Richardson et gagne la Ligue des champions. «C'est l'un des meilleurs souvenirs de ma carrière. J'avais 21 ans. On remonte 10 buts au match retour et je fais un gros match. C'était vraiment fou», se souvient-il. Même s'il n'y a pas été personnellement impliqué, il y a également connu la scabreuse affaire, qui a valu à certains de ses coéquipiers (dont les frères Karabatic) des condamnations par la justice pour avoir «arrangé» un match sur lequel ils avaient parié. A l'époque capitaine, il avait souffert de l'attitude de ses coéquipiers.
Si sa moisson de trophées en club est impressionnante, que dire de celle réalisée avec l'équipe de France ? C'est en juillet 2002 que Claude Onesta le sélectionne pour la première fois. Seize ans plus tard, il y est toujours. Une belle constance pour celui qui n'a clairement pas le physique du handballeur moderne (1,79m pour 78 kilos) mais qui a compensé son manque de capacités athlétiques en développant sa motricité, sa technique et sa vision de jeu. «C'est un petit malin au milieu des grands qui a su faire sa place dans l'adversité», s'est amusé Patrice Canayer, son entraîneur à Montpellier, lors d'un entretien avec le site Made in hand. C'est vrai que sur le terrain, ses un contre un ou ses passes lumineuses donnent le tournis à des défenseurs qui le dépassent souvent de 20 bons centimètres.
Avec ce profil atypique – il peut évoluer aussi bien à l'aile que sur le poste de demi-centre –, Michaël Guigou ne tarde pas à devenir l'un des chouchous du public français malgré sa discrétion. Mais ce qui compte pour ce fan de NBA, ce n'est pas de marquer des beaux buts, c'est de gagner. Et c'est ce qu'il a fait. Trois fois champion d'Europe, quatre fois champion du monde et deux fois champion olympique depuis 2006. Son meilleur souvenir en bleu ? Le Montpelliérain hésite mais finit par trancher : «A Londres aux Jeux olympiques, l'ambiance en demi-finale et en finale était extraordinaire. Ma famille était là et il y avait le titre au bout. C'était fantastique.»
«Remis en question»
Si son parcours en équipe de France a souvent été couronné de succès, l'ailier tricolore a aussi connu quelques déceptions. En 2007, face à l'Allemagne en demi-finale du championnat du monde, «Mika» se voit refuser un but, pourtant valable, à la dernière seconde de la deuxième prolongation. La France est éliminée et les Allemands, qui jouaient à domicile, continuent leur route grâce à un arbitrage maison. Douloureux pour l'équipe et les supporteurs. Avec le recul, l'homme aux 42 trophées relativise : «On s'est servi de cet échec. On s'est remis en question. Cela nous a aidé pour aller gagner chez quasiment tous les pays hôtes des compétitions suivantes.»
A 36 ans, l'homme qui boycotte les réseaux sociaux vient de dépasser les 1 000 buts avec son club et ne semble pas encore rassasié. Il vit une fin de saison passionnante. Les Montpelliérains sont encore en course pour le titre même si leur défaite à Saint-Raphaël mardi dernier complique grandement les choses. Ils ont rejoint pour la première fois depuis 2005 les demi-finales de la Ligue des champions. Michaël Guigou : «On a clairement nos chances mais on est les moins expérimentés. On sera, avec Nantes, les outsiders du week-end.»
Michaël Guigou défendra les couleurs de son club de cœur pendant encore au moins une saison puis passera du terrain au banc de touche. Il a déjà signé un contrat de trois ans avec le MHB pour entrer dès la fin de sa carrière dans l'encadrement technique. «Je viens de valider le diplôme d'Etat Supérieur de niveau 2 [permettant d'entraîner des équipes professionnelles, ndlr]. Je ne sais pas à quel niveau je commencerai d'entraîner, sûrement les jeunes.» Michaël Guigou n'est pas près de dire adieu aux gymnases.