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Libération
Si j'ai bien compris

La fronde aboie, la caravane passe

Ici, le président des sans-dents moque le président des ultra-riches. Là, un collaborateur dénonce Donald Trump. Mais bon.
publié le 14 septembre 2018 à 17h56

Si j’ai bien compris, que les traîtres ne soient plus des traîtres mais des frondeurs, ça n’est pas tombé dans l’oreille d’un sourd pour François Hollande. L’a-t-il entendu, que la vraie gauche, c’était celle qui se dressait contre lui, quand il était président, celle qui ne craignait pas d’avoir le courage de menacer de s’abstenir au cas par cas ? Les frondeurs, ce sont les premiers apôtres du «en même temps» : ils sont dans ce camp mais en même temps ils n’y sont pas, ils ont dépassé le stade de la contradiction. Trahir, ses chefs ou ses objectifs, était une étape obligée du vieux monde qui n’a pas forcément sombré avec le nouveau. Peut-être, dans les prochains référendums, aura-t-on enfin un choix plus large et plus mesuré : on pourra répondre oui, non, oui mais, oui et non, ah non ou merde. Emmanuel Macron a été un des frondeurs de François Hollande, non sans vista, mais frondera bien qui frondera le dernier et l’ancien chef de l’Etat, surfant sur le succès de son livre (mais à ce compte, Valérie Trierweiler serait impératrice d’Europe), peut enfin revenir à ses vraies amours : les petites phrases, les amuse-gueules, les mignardises. Ç’aurait été plus satisfaisant de rester à l’Elysée mais, au moins, on peut toujours pourrir la vie de l’autre. Imagine-t-on Benoît XVI faisant des blagues sur le pape François, dans la situation cruelle dans laquelle celui-ci se trouve - et qui, il est vrai, se prête à la plaisanterie, du moins pour les méchantes langues qui diraient aussi bien que François Hollande est passé de capitaine de pédalo à poil à gratter ?

Le danger pour le gouvernement, la fronde vraiment chaude, ce serait celle que mènerait le peuple qui un jour, saturé d’indignation, passerait aux choses sérieuses. Tant qu’Emmanuel Macron faisait miroiter son en même temps droite et gauche, tout le monde pouvait adhérer sans trahir. Mais, dès lors que sa politique devient ni gauche ni droite, c’est moins rassembleur, ou alors c’est un ramassis de traîtres, ce qui n’est pas vendeur comme image. Bien sûr, on peut arguer que la droite y va fort, à ne pas le reconnaître comme un des siens, et c’est même curieux d’être mauvais joueur pour prétendre qu’on n’a pas gagné alors que d’habitude c’est pour assurer qu’on n’a pas perdu. Tout est bon à qui veut fronder.

On pense ce qu’on veut de Donald Trump mais, aux Etats-Unis, les frondeurs ont une autre trempe. Ceci dit, on ne sait pas tous les papiers que son ancien ministre de l’Economie a subtilisés sur le bureau de François Hollande à l’Elysée pendant que celui-ci était occupé à en raconter une bien bonne. On peut se dire : d’un côté, c’est révoltant de soustraire au regard du Président des documents de première importance, et en même temps, on peut aussi fermer les yeux. On a du mal à voir où se situe exactement la sécurité nationale : à être fidèle au Président ou à lui être infidèle ? Est-ce que Donald Trump est la sécurité nationale à lui tout seul ? Ou ses collaborateurs, se jugeant les mieux placés, ont-ils le droit d’estimer que non ? D’autant que la sécurité nationale des Etats-Unis a à voir avec la sécurité nationale mondiale. Si j’ai bien compris, il faut croire que Donald Trump est un super-détective menant l’enquête pour savoir où est le danger, dans cette Maison pas si Blanche, avant de se rendre compte que le coupable est ce type qui ne quitte le Bureau ovale et sa télé que pour aller jouer au golf, ce qui est mieux qu’avec les allumettes, et vanter ses hôtels.