A mon arrivée à Libé ce matin, j'ai rappelé à mon chef de service l'existence d'une chronique environnement aux débuts de Jeudi Jeu, lui proposant de la republier, en cette semaine où Libé verdit. Belle idée cette semaine verte, car le climat, l'environnement, est quand même le sujet majeur des années que nous vivons et de celles qui viennent. Belle idée aussi graphiquement, le vert, c'est joli, mélange de deux couleurs primaires qui se marient on ne peut mieux avec la troisième, le rouge du logo du journal. Bref, je ne lui ai pas dit tout cela et j'aurais peut-être dû, car ma tentative de ne pas rédiger de Jeudi Jeu s'est heurtée à un sourire en coin et à une fossette (du côté du coin) qui voulait dire : «Tu n'exagères pas un peu mon coquin ?» Ou plutôt, car il est désopilant : «Cette chronique, la resservir froide ? Fût-ce la semaine verte, arrête tes salades !»
Ce qui est vu comme une tentative de filoutage n'est en fait que ma contribution à cette semaine verte : ne pas écrire, n'est-ce pas la meilleure façon de ne pas être lu en ligne sur un ordinateur à la consommation énergivore ? Ne pas écrire, n'est-ce pas un moyen de laisser le lecteur naviguer sur le site de Libé et s'informer sur ces enjeux environnementaux, sur la page du fil vert ? Ne pas écrire, n'est-ce pas aussi la meilleure façon de ne pas se faire imprimer et de protéger les rares arbres qui n'ont pas brûlé cet été ?
D'autant que ma mobilisation écologique est totale. Ce mardi, le second trois vertical de la grille était «soja», défini par «l'Amazonie souffre de sa culture». L'Amazonie, région décimée, arbres coupés, souches brûlées pour rendre la terre fertile et cultiver cette légumineuse d'autant plus nutritive et facile à digérer pour les bêtes qui paissent à proximité que ses gènes ont été modifiés pour cela.
Vous le voyez, petite touche artistique et symbolique, la grille, comme toutes celles de la semaine, a vu ses cases noires vert-pommées : ce noir pétrole fumée deuil qui s’efface pour ce vert chlorophylle mousse feuille. Ne pas voir ce noir sans espoir pour que se libère ce vert qui espère.