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Libération
Chronique «Vu du monde»

En Afrique du Sud, la «nation arc-en-ciel» ne fait plus rêver

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Dans les rues de Johannesburg, les jeunes revendiquent une identité moderne, décomplexée, et refusent de se faire assimiler par la culture blanche, encore surreprésentée.
Dans les rues de Johannesburg, en septembre 2017. (Themba Hadebe/Photo Themba Hadebe. AP)
par Patricia Huon, correspondante à Johannesburg
publié le 10 janvier 2020 à 6h52

Le week-end, à Johannesburg, fashionistas et jeunes créatifs se donnent rendez-vous dans d'anciens entrepôts rénovés par des promoteurs privés. Les boutiques et restaurants branchés, les toits des immeubles où l'on sirote un mojito, les graffitis sur les murs, évoquent l'atmosphère de Brooklyn ou de l'Est londonien, le soleil en plus. Mais la jeunesse de «Jozi», comme ses habitants surnomment affectueusement la ville, n'a aucune intention de se calquer strictement sur le modèle des métropoles occidentales. Elle revendique une identité bien à elle, africaine, moderne, et décomplexée. Les coiffures afro s'affichent dans les rues, des créateurs façonnent des robes et sacs en tissus imprimés wax, les rythmes de Sho Madjozi, une rappeuse qui mêle la langue xitsonga à l'anglais et au swahili, font fureur.

Reconquête

Les demandes sont aussi politiques. Dans les universités, les étudiants réclament, depuis quelques années, une «décolonisation» d’un enseignement jugé encore trop euro-centré. La jeunesse se plonge dans la biographie de Steve Biko, intellectuel et activiste sud-africain, torturé à mort en détention par la police d’apartheid, et les écrits du psychiatre et essayiste martiniquais Frantz Fanon. On assiste à une résurgence du Mouvement de la conscience noire et d’une pensée mise à l’écart par le discours non-racial prôné par Nelson Mandela.

La «nation arc-en-ciel» ne fait plus rêver. L'heure est à la revanche. Ou plutôt la reconquête. Une nouvelle génération n'a pas connu la ségrégation raciale, mais celle-ci a laissé de profondes cicatrices, visibles jusque dans la géographie des villes sud-africaines, qui souligne les divisions toujours omniprésentes.

Héritage

Lorsque le mouvement «Black is Beautiful» émergeait aux Etats-Unis, dans les années 60, l'Afrique du Sud vivait sous l'apartheid. De jeunes femmes et hommes noirs réclament aujourd'hui la place qui a été refusée à leurs parents par le régime ségrég