Si j'ai bien compris, à la pire époque du sida, on évoquait le sexe sans risque. Aujourd'hui, dans des situations on ne peut plus diverses, Harvey Weinstein, Tariq Ramadan, Gabriel Matzneff, Benjamin Griveaux (et plein d'autres) apprennent à leurs dépens (et aux dépens de paquets d'autrui) qu'il ne suffit plus d'une éventuelle capote pour se mettre hors de danger. La fenêtre de tir pour le cul sans péril a été brève. Plus que jamais, avec le sexe, il faut faire attention où on met les pieds. C'est quoi, ce fantasme de vidéosurveillance ? Comme s'il n'y avait pas déjà assez de caméras dans les rues qu'il fallait encore en mettre dans les chambres à coucher. Après le safe sex, le selfie sex. Le nouveau slogan : faites de la politique, pas l'amour. Pour Benjamin Griveaux, cette campagne sentait le mauvais coup, peut-être a-t-il au moins sauté sur l'occasion de ne pas sucer le calice jusqu'à l'hallali. En tout cas, lui n'a nui à personne et violenté que lui-même - et aussi les partisans d'En marche, même si ceux-ci ont estimé que l'ensemble des services qu'il se destinait à rendre à la capitale lumière ne pesait pas lourd face à un simple détail de son anatomie. Le malheureux est déshabillé pour l'hiver. Et on imagine la conversation en urgence du Président avec sa ministre de la Santé de la semaine dernière : «Agnès, je suis désolé de te poser cette question, mais j'ai besoin que tu me dises la vérité. Tu me jures que tu n'as jamais tourné dans Agnès et les sept nains ?»
Quand la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique va-t-elle enfin se saisir du cul ? On ne leur demande pas, aux candidates et candidats ministres, une déclaration de leur patrimoine sexuel exposant leurs péchés mignons ? Avant, ces affaires se réglaient dans le confessionnal, à l'aide de prêtres dévoués à la chose, et pas sur les réseaux sociaux. Benjamin Griveaux, nous dit-on, aurait appelé la deculotada qui le frappe comme un boomerang en étalant sa vie de couple dans Paris Match. Et en même temps : en bon adepte du macronisme, ne pourrait-il pas ajouter à une vie de famille on ne peut mieux remplie les charmes de l'évasion en toute indépendance d'esprit et de corps. C'est ça, «en même temps», une ouverture plus qu'une interdiction. On pourrait d'ailleurs s'étonner de la vision étroite et conservatrice de la vie familiale dans le nouveau monde du troisième millénaire (qui sera peut-être celui du nouvel MLF, Mouvement de libération de la famille) qu'ont les contempteurs de Benjamin Griveaux. Aurait-il été disqualifié aussi si on avait pu prouver qu'il n'était pas arrivé puceau à son mariage ?
Aujourd’hui où il serait question de rompre le célibat des prêtres (espérons toutefois qu’ils ne seront pas autorisés à épouser des enfants de moins de 15 ans), voudrait-on nous imposer la chasteté des politiques ? En tout cas, la passion que suscitent ces affaires de mœurs manifeste que chacun s’y sent plus compétent qu’en matière de diplomatie ou de politique économique. Il y a un vif intérêt pour regarder dans la culotte de son voisin : alors, si en plus c’est politiquement correct. Après patte blanche, que faudra-t-il montrer ? Il ne va plus suffire d’avoir une bonne tête ou un bon QI. Si j’ai bien compris, peut-être que les professions de foi illustrées des candidates et candidats auront une autre allure - on pourra juger sur pièces - et ça pourrait être un moyen de lutte radical contre l’abstinence électorale.