Je l'évoquais dans ma chronique de vendredi, la série Game of Thrones me manque. J'aimais les aventures dragonesques des personnages, je me repaissais de leurs déboires, je me soûlais de leurs amours, je me vautrais dans leurs batailles. Je trouvais que c'était souvent bien mauvais, et pourtant j'en redemandais, et pourtant je commentais sans relâche. Game of Thrones créait du vivre ensemble. A la cafète, le mardi matin, elle était une des rares, peut-être la dernière série que tout le monde regarde. Elle était cocon inclusif quand tout n'est plus aujourd'hui que bulles de filtres inquiétantes.
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Dans cet univers d'apparat disparate, j'ai toujours eu une affection pour le Mur, élément incontournable et inquiétant. Très vite, dans les livres ou la série, on comprend qu'il ne sert à rien. Que, le jour où cela castagnera vraiment, il ne protégera pas des marcheurs blancs. Surtout, la séparation qu'il effectue est factice. Ce n'est pas d'un côté la civilisation et de l'autre les barbares, les guerriers chevaleresques contre les sauvageons, l'intelligence contre la violence. Au contraire, les peuples se ressemblent plus qu'ils ne le pensent. Ceux qu'on pensait être des moins que rien sont les plus libres et les plus heureux. A chaque apprenti dictateur qui voudra désormais avoir son morceau de pierres pour avoir l'impression d'être bien tranquille chez lui, voilà ce qu'il faudrait lui dire, et ce serait sans doute plus efficace que tous les vrais rappels historiques : «Toi qui ne sais rien : souviens-toi du Mur de Game of Thrones. Il est inutile.»